Avec nos grands aînés, bâtissons la fraternité

Avec la rentrée, quelle joie d’inaugurer des opérations comme celle de la Maison de nos grands aînés sur le quartier de Monplaisir à Lyon. Cette maison appelée « Caritas » veille à être à la hauteur du nom qui lui a été donné.

Cette inauguration augure bien nos perspectives de ce fameux « faire du neuf » qui nous habite et que vous êtes nombreux à rendre possible.

A l’origine, ce site était un couvent franciscain que la Congrégation sut ouvrir à des personnes isolées et dépendantes.

Pour ne point déserter l’esprit du Poverello, les Sœurs, confrontées à la pyramide des âges, ont veillé à ce que leur mission perdure. Aussi, nous ont-elles fait un cadeau, celui de leur confiance en nous invitant à participer aux investissements qui s’imposent pour répondre aux nouvelles normes et procéder à une extension de la maison, désormais constituée de 93 chambres.

Nous-mêmes avons sollicité un accompagnement de l’Agence Régionale de Santé Auvergne Rhône-Alpes, de la Caisse Nationale de Solidarité et de l’Autonomie et de la Métropole de Lyon, ainsi que de grandes Institutions gestionnaires de l’épargne salariale qui participent à notre foncière, Entreprendre pour Humaniser la Dépendance.

Nous ne saurions oublier nos souscripteurs qui s’investissent non pour recueillir un dividende, mais pour mettre en œuvre une économie de la générosité et de l’intelligence du cœur qui permet de se rapprocher de ceux que la vie fragilise.

Quand l’épargne se révèle un vecteur de solidarité, alors l’économie sociale suscite des inattendus et même des inespérés. Puisse-t-elle être mieux reconnue, que de drames alors pourraient être évités.

L’inauguration a mis en exergue une laïcité bien comprise éloignant des oppositions et crispations, d’où une coopération qui a bâti une réelle fraternité.

Toute fraternité est source de liberté. Non point un slogan mais une exigence éthique à l’égard, ici, des soignés, lesquels ne se trouvent point placés dans un Ehpad mais disposent d’un domicile. Alors, tout est bousculé et renversé, nous sommes chez eux.

Quel étonnement de voir un café au sein de la maison, chaque résident peut s’y rendre avec sa famille, ses amis ; recevoir n’est pas sans pertinence pour la qualité de vie.

Une autre des valeurs mise en œuvre est l’attention à la dignité ; elle revêt un caractère inconditionnel. La grande dépendance en est l’ennemie ; comment la combattre, si ce n’est de par la noblesse du service des soignants et de tous ceux qui participent à la vie de cette maison, notamment les bénévoles, en bâtissant des liens de compréhension et même d’amitié qui concourent à une réconciliation de ce que la personne est profondément et que rien ne peut altérer.

Christian Bobin, dans son petit mais grand ouvrage, « la Présence pure », écrit : « ceux qui ont très peu de jours et ceux qui sont très vieux sont dans un autre monde que le nôtre. En se liant à nous, ils nous font un présent inestimable ».

Ce lien trouve sa source dans la fraternité ; qu’en soient remerciés tous les bâtisseurs.

Bernard Devert

Septembre 2024

Interview proposée par M Jérôme Robert

  1. Aujourd’hui, comment concevez-vous la mission d’Habitat et Humanisme devant l’incapacité des gouvernements à débloquer le logement en France, social et privé ?

Cette incapacité n’est pas seulement celle du Gouvernement qui n’a pas pris la mesure du drame du mal-logement, elle est quasiment encouragée par une indifférence de l’opinion, habituée depuis des décennies au fait qu’il y ait des personnes dans la rue et l’existence de quartiers si paupérisés, devenus ceux que l’on nomme « perdus pour la République ».

Cette ségrégation devrait réveiller les consciences ; il n’en est rien ou si peu.

Il faudrait retrouver la force de ces mots de Charles Péguy : habitués et non point habités.

Que de programmes refusés non seulement par des élus, mais aussi par les riverains qui, à la sonorité du mot social, se regroupent pour faire circuler des pétitions et si elles ne sont pas suffisantes recourent à la justice pour tenter de faire annuler les permis de construire.

L’indifférence à l’autre traduit un entre soi constituant une barrière intangible à l’autre soi.

La mission d’Habitat et Humanisme est de mettre en œuvre la mixité sociale. Assez de ce mépris qui construit des murs en toute impunité au point d’assigner les plus fragiles dans un ailleurs qui n’est autre que le trottoir !

La fraternité, prise en compte, corrige ces accrocs du tissu social qui déchirent l’égalité, l’impossibilité de se loger décemment et la liberté de choisir son toit.

Comme sont justes les mots de Martin Luther King : à ne point vivre ensemble comme des frères, nous finirons comme des fous.

La mixité sociale est une sagesse incomprise, pour le moins piétinée.

Il est hors de question, malgré les difficultés auxquelles nous nous heurtons en raison de la spéculation foncière, que nous abandonnions le combat. Il est permanent, mais n’est-il pas celui de la justice qui n’a jamais été aussi difficile quand il touche le logement.

  • Quelles seraient vos propositions prioritaires pour le futur nouveau ministre du logement ?
  • Maîtriser le foncier pour redonner à la mixité, actuellement en recul, une nouvelle acuité.

Bâtir la mixité pour réveiller à la fraternité.

Une lutte contre la spéculation et l’enrichissement sans cause s’impose.

Est-il juste que les propriétaires fonciers qui bénéficient d’importants investissements publics de l’Etat et des Collectivités locales voient soudainement l’explosion de la valeur de leur patrimoine foncier. Dans toutes les métropoles et en Île-de-France, notamment l’opération du « Grand Paris », le sujet revêt une acuité toute particulière.

Ces rentes ne peuvent pas se pérenniser tant elles créent des iniquités.

Acter durablement que l’article 55 de la loi SRU devra répondre à une exigence sociétale de loger les plus vulnérables pour 25 % et les classes moyennes pour ce même pourcentage entraînera nécessairement – et c’est heureux – une baisse des charges foncières.

La prise en compte de la finalité de l’acte de construire se révélera alors un régulateur des prix, à charge pour les Communautés d’Agglomération d’intervenir là où les transactions sont opérées dans des conditions déraisonnables.

Rappelons que 70% de la population est éligible au logement social. Il ne suffit pas de rechercher un choc du logement, il convient de s’interroger pour qui, afin de mettre en exergue les urgences et par là même les priorités.

Une telle orientation impactera ipso facto les charges foncières pour les rendre plus raisonnables, la Collectivité se gardant un droit de régulation dans l’hypothèse où ces logements intermédiaires ne seraient pas réalisés faute d’un prix du foncier excessif.

Un des risques de cette mesure – fût-elle juste – est la rétention des terrains. Les Pouvoirs Publics n’ont-ils pas pour mission de désarmer la violence que constitue le mal-logement en agissant, si nécessaire, par une fiscalité ad hoc.

Si la fraternité est souvent oubliée, c’est que peut-être nous avons perdu le sens de l’humain. L’heure n’est surtout pas de tenter une nouvelle fois de détricoter cette loi, ce qui serait une provocation et une insulte à l’égard des plus pauvres.

  • La réduction de la vacance des logements en fléchant leur ouverture à destination des foyers hébergés.

Comment ne pas partager l’inquiétude du devenir des personnes hébergées, plus de 200 000 en France. Nous ne saurions ici le reprocher à l’Etat, saluant l’effort qu’il a entrepris aux fins de mettre à l’abri les plus vulnérables.

Force est de constater que les toiles de tente essaiment dans les villes et métropoles. La pauvreté connaît une telle visibilité qu’elle participe à l’accablement de la Société, pensant que la Nation est désarmée devant le malheur d’une montée inexorable de la misère.

Or, 320 000 logements sont vacants dans les villes, là où la demande d’un toit est la plus forte.

L’heure n’est pas de jeter l’opprobre sur quiconque, conscients que nombre de bailleurs ont renoncé à la location de leurs biens afin d’éviter tout contentieux pour n’avoir pas les moyens et toujours le savoir-faire pour recueillir les subventions facilitant les travaux de réhabilitation.

Les bailleurs, pour plus de 60%, gèrent directement leurs biens sans avoir recours à des professionnels. La question est comment les rejoindre.

320 000 logements vacants dans les quartiers anciens en cœur de ville, plus de 200 000 foyers appelés à sortir de leur hébergement, s’ouvrent ici des marges de manœuvre.

Quelles réponses possibles ?

En proposant à ces propriétaires d’apporter à des foncières solidaires à titre onéreux le bien inoccupé. Au terme de cette transaction, devenant associés de l’entité portant le patrimoine, ils bénéficieront d’une souscription qui, en l’état des dispositions fiscales, offre une réduction d’impôt de 25% au titre de l’IRPP.

Ce patrimoine est à réhabiliter ; il serait assez juste que cette réduction d’impôt soit majorée de 15% à 20% dès lors que ces porteurs de parts s’engageraient au développement du logement très social (Prêt PLAI et PLUS) acceptant à ce que la liquidité de leurs titres n’intervienne pas avant une période de 15 années, à courir du jour de la souscription.

Ce patrimoine, appréhendé par les foncières, serait affecté prioritairement, voire exclusivement, à la sortie des ménages relevant de l’hébergement.

Une difficulté concerne les personnes hébergées en souffrance psychique, d’où un suivi médical en lien avec le dispositif de l’aide à la vie partagée.

La gestion de ces logements est délicate pour s’inscrire essentiellement dans le diffus, mais cette observation n’en annihile pas pour autant la perspective.

  • Selon vous avec Habitat & Humanisme, comment concilier transition énergétique et justice sociale ?

Les plus fragiles de notre Société supportent des charges de chauffage très lourdes, épargnant les populations aisées disposant d’un habitat prenant en compte la maîtrise énergétique, jusqu’à bénéficier de charges passives ou qui s’en rapprochent.

Quand les personnes n’habitent pas un immeuble collectif ou ces copropriétés dégradées, plus d’1,5 Millions de logements en France.

3,5 Millions de nos concitoyens déclarent souffrir du froid. Près de 400 000 d’entre eux supportent un taux d’effort quant aux charges énergétiques représentant plus de 10 % de leurs ressources. Imaginons alors le reste pour vivre, d’où une pauvreté qui fait basculer dans la misère.

Ne pas agir sur ces « bouilloires énergétiques » qui ne sont pas sans faire bouillir une juste colère, n’est-ce pas participer à une non-assistance de ceux confrontés à la souffrance sociale.

Les chiffres parlent ; il s’agit de les entendre et comprendre l’urgence de cette transition énergétique, facteur de justice.

  • En matière d’habitat, vous vous dressez contre la formule institutionnelle de « placer les gens » alors que vous défendez la cause d’aider les gens « à trouver leur place »: Expliquez-nous ?

« Placer les gens », c’est choisir à leur place, les situer dans une situation de dépendance sociale leur faisant comprendre qu’ils n’ont pas d’autres choix que d’aller là où la Société les conduit.

Dans de telles conditions comment disposer de ce minimum de liberté autorisant des propositions raisonnables qui, sans faire tomber toutes les contraintes, permettent de trouver enfin sa place pour se voir reconnaître la possibilité de choisir.

Noël Arnaud dans son livre : « l’Etat d’ébauche », je suis la place où je suis.

Faire place à ceux qui ne l’ont pas ou plus, c’est prendre la mesure de la mixité pour mettre en œuvre ce « vivre ensemble » sans lequel il n’y a pas de cohésion sociale.

  • Vous avez une vocation de prêtre et d’entrepreneur social, quels sont vos motifs d’espoir ou d’inquiétudes, vous qui êtes maintenant un retraité observateur et actif ?

L’espoir, plus exactement l’espérance, pour reprendre la définition de Georges Bernanos, est un risque à courir.

Ce risque est l’aventure de la liberté qui induit la recherche du sens trouvant un écho singulièrement partagé.

Réserve fait du passage de ce sens pour soi, au sens de l’autre, s’ouvre une perspective de changer notre Société qui comprendrait que l’urgence n’est pas de renverser la table, mais de l’agrandir afin que ceux qui n’ont que les miettes puissent aussi et enfin reconnaître qu’ils sont invités.

L’heure n’est pas celle des festins mais de la sobriété.

Alors que d’aucuns ne manquent de rien, croulant sous les superflus, d’autres n’ayant rien, jusqu’à penser qu’ils ne sont rien s’effondrent dans un tel accablement que l’idée même de la Nation se fissure

Vous voulez bien rappeler ma vocation de prêtre et d’entrepreneur social, je ne saurais mieux la résumer que par ces mots de Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » : quiconque porte dans le cœur une cathédrale à bâtir est déjà vainqueur. La victoire est fruit de l’amour. L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour.

Merci pour votre interview qui permettra peut-être de mieux faire comprendre les engagements d’Habitat et Humanisme.

Bernard Devert

Août 2024

L’Abbé Pierre, géant de la solidarité, confronté aux ombres et lumières

L’insurgé de Dieu suscite en ces temps troublés une insurrection de l’incompréhension. Non pas lui, il a fait tant de bien !

L’image de l’Abbé Pierre est altérée, mais son œuvre immense demeure.

Ces dernières années, nombre de fondateurs d’organismes importants, à caractère religieux ou social, ont connu des faits semblables à ceux reprochés à l’Abbé Pierre, 17 ans après avoir quitté ce monde.

L’Abbé Pierre avait une trop vive lucidité pour ne pas souffrir des pulsions qui le jetaient dans des abîmes, lui qui savait tant réveiller les consciences.

Souvenons-nous de son dernier combat. Exténué par l’âge, a 93 ans, il se rend dans l’hémicycle en chaise roulante demandant aux députés de ne point revisiter la loi Solidarité et Renouvellement Urbain.

Une fois encore, il trouva les mots et emporta l’adhésion. L’honneur de la France, c’est quand le fort s’applique à aider le plus faible, aimait-il à dire.

Fort, il l’était, un géant de l’action sociale dont la vie fut celle d’un engagement permanent pour aider les oubliés de la Société. Ne fut-il pas, pendant de longues années, la personnalité préférée des Français.

Il en oublia sa propre fragilité.

Une question surgit. Pourquoi, alors qu’il a tant aidé, n’a-t-il pas trouvé de soutiens, acceptant d’être accompagné aux fins de traverser les fragilités qui l’assaillaient.

Simone Weil, la philosophe, dans son ouvrage « la pesanteur et la grâce », dit que Dieu ne peut aimer que sa capacité à s’effacer, comme Lui-même s’efface pour lui permettre d’exister.

L’abbé Pierre n’a peut-être pas ou pu laisser de place à cet effacement si nécessaire qui permet d’exister non seulement à partir de ce que l’on fait, mais à partir de ce que l’on est. Le prendre-soin de l’autre, des autres, n’appelle-t-il pas un prendre-soin de soi se révélant finalement un soin pour tous.

La sainteté n’est pas la perfection ; elle est une lumière diaphane donnant à voir les ombres, non pour se culpabiliser mais pour trouver l’audace de rechercher les aides possibles afin de lutter contre le déni qui trop souvent s’empare de soi, alors même que les fracas submergent.

Cette attention à soi-même est un espace de liberté.

A quelques jours du 31 juillet où sera sans doute commémoré le 80ème anniversaire de la disparition de Saint-Exupéry, abattu, alors qu’il se battait pour la liberté, n’est-il pas judicieux de réentendre ses mots : la liberté, c’est l’ascension de l’Homme.

Cette ascension, l’Abbé Pierre l’a suscitée. Aussi, dans cette liberté introduisant une ouverture sans pour autant pactiser avec l’insupportable, l’heure est de reconnaître l’homme dans son humanité qui n’est pas sans grandeur, ni faiblesse.

Bernard Devert

Juillet 2024

L’économie solidaire signe la fraternité

Tous nous vivons peu ou prou au rythme du calendrier scolaire et universitaire, si bien que ces  « grandes vacances » se présentent comme la fin d’une année s’ouvrant sur le temps de changements, après les examens et passages qui s’ensuivent.

Les assemblées générales, après la présentation des rapports moraux et d’activité, ne se présentent-elles pas comme un carnet de notes évaluant les avancées et/ou selon, les difficultés de l’exercice qui vient de s’écouler.

Je garderai de cette année le souvenir d’une démarche entrepreneuriale honorant l’économie solidaire. Sa finalité n’est pas de gagner, mais de faire gagner ceux que la vie blesse dont le ressenti traduit un sentiment amer de ne jamais pouvoir s’en sortir

Qu’est-ce que l’économie solidaire, une fraternité.

Cette reconnaissance est trop importante pour se payer de mots tant l’enjeu est de mettre précisément « hors- jeu » les idées de possession et de pouvoir.  

La fraternité, une boussole pour aller vers des terres humanisées, des lieux qui donnent lieu à plus d’égalité et par là même à une plus grande liberté.

Dans cet esprit, il m’est agréable de vous partager l’alliance qui vient d’être régularisée entre Sésame Autisme et Habitat Humanisme Soin. Ces deux associations ont décidé dans le respect de leur autonomie de se rapprocher pour créer des synergies.

La taille de chacune des entités n’a eu aucun impact dans la négociation. Le projet était suffisamment existentiel pour se demander comment l’économie solidaire peut s’avérer une rampe de lancement des investissements pour répondre à ce cri de détresse : il n’y a donc personne pour entendre, personne pour comprendre.

Quand la personne handicapée doit attendre des années pour trouver un lieu offrant un lien qui la sécurise, cette absence ne nécessite pas des discours mais la ferme volonté d’agir au sens où Bernanos dit que l’espérance est un risque à courir.

Cette alliance ne brille pas par l’éclat d’un pouvoir ou la trace d’une domination, mais une recherche d’intelligence créatrice où le cœur a toute sa place pour agir mieux et plus vite. Ici la fraternité régule l’égalité interpellant les consciences quand certains, confrontés déjà à un handicap, ne trouvent pas de portes qui s’ouvrent. Quelle liberté alors…

L’économie traversée par la fraternité met l’argent à sa place, toute sa place pour être un des instruments au service des causes humanisantes. Le sujet n’est pas de s’enrichir, mais d’enrichir la Société pour privilégier les relations où le côte à côte l’emporte sur le face à face.

C’est ce que Sésame Autisme et Habitat et Humanisme viennent de mettre en œuvre. Ensemble, nous avons évalué la pertinence de se soutenir dans le respect de nos vocations respectives, veillant à ce que chacune des entités soit reconnue dans ses capacités respectives à être là, mieux là où elle est attendue pour relever de justes et nécessaires défis.

L’alliance est celle de trois engagements :

– Tenir à la source de nos valeurs créatrices

– Maintenir coûte que coûte le cap afin de traverser les tempêtes dans un moment où le discernement laisse transparaître l’atténuation de l’Etat Providence.

– Servir impérativement les plus fragiles afin qu’ils ne soient pas les oubliés, plus encore les victimes de ces grandes vagues qui engloutissent l’espoir.

Il est de ces générosités qui nous aident à devenir meilleurs, celle-ci et de celles-là.

Bon été,

Bien fidèlement.

Les vacances approchent, puissent-elles ne pas être celles du discernement

La vie sociale est rythmée, séquencée par le calendrier scolaire et universitaire qui fixe les dates où l’on quitte les bancs pour prendre des vacances ; elles se proposent à tous, sauf pour les plus vulnérables qui, au ban de notre Société, n’en bénéficient pas.

Vous me lisez depuis de nombreuses semaines, espérant ne pas trop agacer, souhaitant que vous trouviez encore quelque intérêt à prendre connaissance des engagements de notre Mouvement, quand bien même ils puissent faire, ici-et-là, débat.

Comment s’en étonner puisque précisément nous concevons le logement comme un vecteur de fraternité qui introduit un combat permanent pour entendre trop souvent ce rejet de l’autre.

La fin d’année, au sens scolaire, permet de voir les avancées qui ont été réalisées, mais aussi les échecs ; je parle naturellement des miens.

Je ne m’arrêterai que sur les difficultés rencontrées pour offrir un toit à tous, mesurant combien le défi me dépasse, mais sans doute opiniâtre, j’entends rester dans l’espérance au sens où Georges Bernanos dit qu’elle est un risque à courir, ou encore le sursaut du désespoir.

La semaine écoulée, je l’évoquais dans ma chronique célébrant l’anniversaire de l’appel du 18 juin.

Résister pour les hommes de bonne volonté n’est pas une option, mais une détermination à rendre ce monde meilleur. Tel est bien l’enjeu d’Habitat et Humanisme qui veut construire pour offrir à l’acte de bâtir un soin à notre Société.

Ce soin porte un nom, la mixité, aux fins de tisser des liens pour réparer la déchirure de la cohésion sociale et restaurer les conditions de la fraternité.

Notre Société marquée par l’utilitarisme et l’efficience nous font courir, mais vers quoi. Les vacances ne seraient-elle pas ce moment pour s’interroger sur les priorités à retenir afin de ne pas se laisser emporter dans l’indifférence des maux qui nous entourent, jusqu’à ne plus les voir pour s’habituer.

Ensemble, une attention nous réunit : « Et les autres ». Cette voix qui parle dans ce Grand Livre d’Humanité nous met en situation de genèse, par là même de création, nous invitant à refuser résolument tout ce qui nous détourne de l’autre, des autres, considérés, parce que différents, comme des fardeaux, alors qu’ils sont un cadeau.

Quand la différence est rejetée, mise à mal, il ne reste que les mêmes qui, drapés dans leurs certitudes, n’ont pas de mots assez durs pour rejeter les plus faibles.

Folie, diront certains, ou plus cordialement, vous rêvez. Certes, si le rêve doit nous quitter que restera-t-il de notre civilisation, un toboggan qui à folle allure précipite vers les idées de puissance, occultant les questions existentielles qui, seules, ramènent vers l’essentiel.

Ma civilisation, écrit Antoine de Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » : héritière de Dieu, a fait chacun responsable de tous les hommes et tous les hommes responsables de chacun. Le sauvetage d’un seul sauve l’Homme.

Nous voici appelés à glisser un bulletin de vote dans les urnes, puisse-t-il être signe d’une sagesse, au sens philosophique du terme. L’heure est d’offrir au discernement la recherche de cet humanisme qui restaure l’Homme, tout l’Homme.

Ces mots ne veulent surtout pas s’apparenter à une leçon qui n’a pas ici sa place, mais l’audace pour que, poétiquement, nous entendions vibrer la promesse qui nous réunit dans cette attention à faire reconnaître un « faire ensemble » pour que naisse un « vivre ensemble ».

Bernard Devert

Juin 2024

Il y eut un appel le 18 juin. Il est aujourd’hui un autre appel à entendre

Ce 6 juin, nous célébrions le 80ème anniversaire du débarquement, ce jour le plus long pour avoir fait reculer la nuit dans laquelle était plongée notre Pays occupé par des barbares.

Le jaillissement de l’espoir que suscita le débarquement est consubstantiellement lié à l’engagement, 4 ans plus tôt du Général de Gaulle qui, isolé de Londres, appela les forces vives à ne point capituler pour ne point pactiser avec le déshonneur.

Que pouvait représenter l’appel du 18 juin face à des forces d’occupation sans foi, ni loi, n’ayant d’autres ambitions que d’imposer une tyrannie nourrie par des pensées aussi sordides que funestes.

Avec cet appel commence l’histoire de la libération qui porte magnifiquement et si justement le nom de résistance, traduisant une volonté inflexible portée par des femmes et des hommes qui surent, au prix de leur vie, tisser des liens suscitant des lieux où l’espoir prenait place.

Une nouvelle fois, la résistance soulignait que, seul, ce qui est juste est fort. Cette reconnaissance alors emporte l’adhésion de l’esprit et des cœurs pour défendre les valeurs de notre civilisation.

Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » écrit : « l’individu n’est qu’une route, l’Homme qui l’empreinte compte seul ».

L’homme avec un grand « H », voici ce que furent ces résistants qui, à l’écoute de cet appel traversant les ondes, souffla sur les braises de la liberté. L’ennemi ne pouvait en prendre la mesure si défait dans son humanité par la brutalité qui l’habitait.

Cet appel, clair et vaillant, fut entendu comme le déjà là d’une liberté ouvrant sur le grand large. Immédiatement, s’ensuivit une grande vague couvrant les bassesses et parfois les détresses morales qu’instrumentalisa l’occupant pour disposer de soutiens actifs ou passifs d’une fraction de la population et surtout de nos gouvernants.

L’appel du 18 juin, une voix et une voie.

Une voix que rien ne pourra faire taire ; auréolée d’une lumière du déjà-là de la victoire. Les combattants de l’ombre, fussent-ils tyrannisés et martyrisés, emportèrent avec eux, dans le silence, le secret de ce qui les faisait vivre pour que d’autres vivent.

Une voie qui ouvrit des chemins convergeant vers la libération, finalité de toutes ces actions portées par un appel qui, au fil des mois, loin de perdre de son enthousiasme, gagna les cœurs et les esprits, jusqu’à ce jour qui lava l’infamie, parce qu’un jour, un 18 juin, un homme s’était levé pour prononcer un appel lucide, éclairé par le courage et l’honneur.

Aujourd’hui, dans les moments difficiles quelques peu chaotiques que nous traversons, un appel se fait entendre ; il n’est pas celui de l’homme du 18 juin, mais il ne lui est pas indifférent pour s’inscrire dans une participation aux fruits de la Société dont trop sont oubliés pour être à part, jusqu’à n’avoir point de toit ou ne pouvoir vivre que dans des hébergements. Ils sont si nombreux !

Le possible de cet appel, s’il est entendu, est lié au fait que nous sommes dans une démocratie ; protégeons-là, essayant de poser un regard sur l’autre, les autres en ne les considérant pas comme un fardeau, mais comme un cadeau.

Libérer, c’est toujours humaniser.

Bernard Devert

Juin 2024