Le Pape François, en ce lundi de Pâques, a rejoint la Maison du Père.
Pâques est le mot-clé de l’expression de la foi chrétienne, fête de ce grand passage ne laissant à la mort aucun avenir. Certes, nous la connaîtrons, mais nous n’y resterons pas.
Que « de Pâques » dans la vie de François ! Il fut ce passeur, nous invitant à quitter l’entre soi pour aller vers les périphéries, non seulement les rejoindre mais les aimer, pour vivre une fraternité, celle-là même qu’il nous laisse en héritage.
Comment oublier « Fratelli Tutti », cet appel à sortir de l’indifférence, terrible cancer de l’âme !
Tout passage est risque. Il s’agit de sortir de soi, quitter ce qui nous sécurise pour aller vers des espaces dont l’inattendu n’est pas sans susciter cette métamorphose de l’être ou, d’habitués, nous devenons des êtres habités pour refuser l’inacceptable. L’indifférence sombre, tout bascule alors vers une fraternité concrète.
L’être humain, seul, de par sa destination éternelle, est appelé à rejoindre ce passage que Simone Weil, la philosophe, définit comme l’espace permettant de satisfaire les besoins du corps et de l’âme, une orientation, dit-elle, décisive vers le bien.
L’acte de s’orienter emporte l’acceptation d’assumer des décisions, pour le moins de consentir à ne point rester étranger aux situations si déshumanisantes qu’elles causent ces morts sociales.
François, dans sa dernière Encyclique « Dilexit Nos », (Il nous a aimés), note combien l’égoïsme et l’indifférence sont des aliénations sociales, rendant difficile la solidarité entre les hommes.
Le fait de désirer vivre ce passage confère un statut de passeur, d’où une responsabilité et une liberté, source de cette inspiration à changer et faire changer. Les regards alors sont transformés.
François Cheng dans son ouvrage « Une nuit au cap de la chèvre », dit que la mort ne nous sépare point de nos morts, elle nous envoie à leur transformation. Entrons en échange avec eux en vue du change. Toute inspiration montante participe de l’indivisible Souffle qui, sans relâche, meut la Voie.
Il s’agit de penser, plus encore d’imaginer, les passages comme des conditions d’existence, permettant de s’orienter vers ce qui nous grandit.
Dans le continuum de Pâques et la mémoire de François, quels passages accepterions-nous de risquer pour rejoindre ceux qui, ayant perdu beaucoup de leur autonomie, se demandent si des passeurs s’approcheront d’eux, ou bien devront-ils attendre et attendre ces regards qui, s’ils croisaient les leurs, plongeraient chacun dans cette lumière diaphane de l’infini.
Puis-je évoquer, avec vous, nos grands anciens, ayant trouvé une place dans des lieux dont ils savent qu’ils ne sortiront que lorsque la mort surgira. Les rejoindre, c’est ouvrir un passage qui restaure le mystère de la vie en la libérant de la nuit.
Aucune serrure, ou si peu, ne résiste à la fraternité proposée tant elle se révèle un « pass » où l’échange se fait sans monnaie, le cœur seul y suffit.
Bernard Devert
Avril 2025
