Sans doute est-il inutile de répéter à corps et à cris, dans un désert, qu’il manque des logements. Assez, disent beaucoup, nous savons.
Il ne s’agit pas seulement de savoir, le pas à franchir est celui d’un devoir de citoyenneté qui a pour nom la fraternité. Le sujet est de rechercher une ouverture pour que des mamans avec enfants ne soient pas condamnés à dormir dehors. Insupportable cette inhumanité que nous ne voulons pas voir alors que son occurrence la rend prégnante.
D’aucuns objecteront : regardez le nombre de logements inoccupés dans bien des agglomérations. Certes, mais elles n’ont plus d’attraits économiques en raison de l’aménagement du territoire bousculé par ce phénomène de la métropolisation au préjudice des villes moyennes, chance d’un plus grande humanité.
Le coût du foncier, tout particulièrement dans les grandes villes, a flambé. Le nombre de constructions s’est singulièrement abaissé, une crise majeure pour le logement social, financé pour les 2/3 par le privé qui a dû faire face à deux écueils, la suppression du « Pinel » et le surgissement de l’inflation. L’activité du bâtiment s’est effondrée, tel un château de cartes.
Quelles sont les nouvelles donnes. Nous ne les trouverons pas sans la « force d’âme » qui par essence est une vigilance à l’égard des plus fragiles pour qu’ils ne sombrent point. L’expression n’est pas hors du temps ; elle revêt une acuité dans « l’économie de guerre » qui s’annonce. Le refus des graves iniquités sociétales relève de cette exigence : combattre contre la misère et la pauvreté. Ne l’aurions-nous pas désertée. A tout le moins, nous sommes restés dans l’insuffisance, voire dans une indifférence désarmante.
Ainsi, face à la saturation de l’hébergement d’urgence, l’Etat risque de devoir expulser certains bénéficiaires sans que les conditions de vulnérabilité ayant motivé leur admission soient modifiées. Comment sur le plan éthique faire un « tri » entre les plus fragiles, les uns épargnés de l’expulsion et les autres rejetés à la rue ?
Rappelons ces portes ouvertes, sauf pour les étudiants dont l’accès au logement est singulièrement critique, un sur cinq en Ile de France est contraint de se priver de nourriture pour devoir supporter des loyers sans cohérence avec leurs ressources. Certains, même, ont dû mettre un terme à leurs études, faute de pouvoir se loger.
Les plus vulnérables de nos concitoyens peinent à trouver un habitat social. Un comble !
Or, le logement est non seulement une protection mais un droit. Quelle défense représente-t-il pour ceux à la rue ou condamnés à l’indécence d’un toit ou encore ceux qui attendent depuis des années qu’une porte s’ouvre. L’injustice est si criante qu’elle devrait susciter une mobilisation des consciences ; elle ne choque plus ou peu, l’opinion s’est habituée à la dénonciation du mal logement au lieu de l’habiter.
Des réponses existent, et même rapidement, en réduisant la vacance des logements. Trouvons un modus operandi en proposant à ces propriétaires qui en faciliteraient l’accès, une garantie à hauteur des loyers relevant de l’habitat social, et une aide revalorisant leur patrimoine qui dort et s’abîme ; triste dommage humain et sociétal.
Dans un moment « d’économie de guerre », la réquisition est entendable. Toutefois, la mobilisation de la générosité et de la fraternité doit être au rendez-vous des décisions libres, traduisant cette recherche du bien commun auquel les particuliers et l’Etat se doivent d’apporter leur concours.
La fraternité éclaire l’avenir ; l’heure est de la bâtir plutôt que de l’appeler.
Bernard Devert
Mars 2025
