En juillet se tenaient pour la deuxième année « les Beaux jours de Belloc ». Un festival culturel apprécié par la qualité des intervenants et l’attention à la transversalité des cultures.
Belloc, un lieu séculaire, d’ouverture qui le demeure.
Au début de ce même mois, il y eût aussi un moment important qui signe notre recherche concernant le prendre-soin avec la participation du Professeur François Tison et de M Stéphane Faure. Ce séminaire doit être renouvelé à la demande des participants.
En ces premiers jours de septembre, ce sont aussi des jours de sérénité et même d’enthousiasme au regard des orientations qui viennent d’être prises quant à la programmation de petits logements sociaux à destination de soignants et d’une attention aux aidants.
L’heure n’est plus celle des discussions mais d’une décision afin que Belloc soit reconnu et vécu comme un humanisme au service du prendre-soin.
L’architecte, le cabinet Acta, a été retenu sur appel d’offre. Le contrat du maître d’œuvre, régularisé, la demande du permis de construire sera présentée aux autorités ad hoc, au plus tard le 20 janvier prochain.
Des rumeurs, sans doute un peu d’humeur, circulaient, à savoir qu’Habitat et Humanisme s’emparait des bâtiments de l’Abbaye pour réaliser un programme immobilier ambitieux et audacieux.
L’audace revêt, ici, un caractère de sobriété, s’agissant de logements dont la surface totale sera inférieure à celle qui a pu être annoncée.
Il n’est pas inutile de rappeler qu’Habitat et Humanisme n’est pas d’abord un acteur immobilier, mais un bâtisseur de liens à l’égard de ceux qui peinent à trouver un habitat décent. Or, sur ce magnifique territoire du Pays Basque, très prisé par les touristes, nombre de salariés ne parviennent pas à se loger, le coût du loyer s’avérant en rupture par rapport à leurs ressources. A cette situation sont confrontés nombre d’aides-soignants et d’auxiliaires de vie.
Inutile de rappeler la crise que traversent le sanitaire et le médico-social. Que de soignants ne poursuivent plus leur activité, faute de reconnaissance sociale ; l’une des premières que nous leur devons n’est-elle pas que leur mission leur permette de trouver une digne hospitalité.
Telle est l’ambition de ce programme à Belloc, dont le nom – rappelons-le ‑ signifie : « un beau lieu ». Or, n’est beau que ce qui est réducteur du mal. Lutter contre ce mal-logement est d’une impérieuse acuité. Quand les victimes en sont les soignants, alors que leur combat – un comble ‑ est de faire reculer la douleur, la souffrance, nous en saisissons l’iniquité et l’injustice qui leur sont faites.
Quelle dramatique tristesse de savoir qu’un certain nombre d’entre eux, lorsqu’ils quittent l’hôpital, n’ont pas de chez eux ou doivent se contenter d’un espace indécent.
Cette opération confère une continuité avec l’engagement des moines qui, dans la fidélité à la Règle de Saint-Benoît, ont constamment veillé à l’hospitalité ; elle fut parfois difficile, au point que fut décerné à ce monastère, non sans justesse et noblesse, ce beau titre d’être un lieu de résistance.
La longue route des moines est jalonnée de cet humanisme, soulignant combien pour eux la cause de l’homme est la cause de Dieu.
François Cheng, dans son ouvrage : ‘une longue route’ dit que la vraie intelligence ne se limite pas à la raison, elle est dans l’amour. N’est-elle pas là aussi notre raison d’être.
Il ne suffit pas simplement de bâtir, il nous faut susciter une fraternité réparatrice des ruptures parfois abyssales, tel l’apartheid se présentant comme un mépris de ceux qui sont différents, jusqu’à être insultés pour ne point leur donner de place.
Cette fraternité nous invite à créer un laboratoire où, sans se départir d’un silence intérieur, s’éveille la recherche de relations créatrices d’un nouvel horizon pour les plus fragiles.
Saint-Exupéry, dans Pilote de Guerre : ma civilisation, héritière de Dieu, a fait des hommes égaux en l’Homme.
Quel souffle ! Nous le trouvons à Belloc. Les murs de l’Abbaye ne sont pas des enceintes, des murailles, mais pour reprendre en substance les mots de ce poète qu’est François Cheng : il est de ces clôtures nécessaires pour que le lieu devienne lien et le temps attente, ajoutant : le lieu devient alors appel.
Cet appel, ensemble, nous ne le déserterons pas.
Il est de ces instants, que je n’ai pas à qualifier, mais qui, partagés, deviennent signe de cet ‘autrement’ qui nous relève, trouvant l’énergie nécessaire pour répondre aux urgences quand des frères nous font comprendre par un regard leur attente, leur espérance.
Cette confiance désarmante ne peut être ni ignorée, ni bafouée. Belloc sera l’une de nos sources.
Bernard Devert
11 septembre 2023
