Changer et faire changer

Dans ces temps traversés, mais ne sont-ils pas tragiquement permanents, un focus est donné à ces barbares ‑ qui jamais ne s’effacent – pour s’attaquer à des femmes, des enfants et même des personnes âgées confrontées au grand âge.

Les lâches, toujours, opèrent au préjudice des plus fragiles.

L’heure n’est surtout pas de s’enfermer, la protection est ailleurs. Souvenons-nous, la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; là où le mal abonde, la grâce surabonde.

Apporter notre pierre, nos cœurs de chair crient cette urgence et cette exigence que nous ne saurions, ni les uns et les autres, déserter.

Si les désordres, porteurs de misère, s’étalent sans pudeur, nous ne pouvons laisser dire, ni plus encore laisser faire, la fatalité qui n’est autre que la somme de ces veuleries et trahisons qui, immanquablement, déroutent et déboussolent.

Où allons-nous ?

Ne nous laissons pas entraîner dans ces tourbillons, entretenus par de vaines oppositions qui, à distance des vraies valeurs, n’ont d’autres idées que de déprécier la Société. Certes, elle présente bien des défauts, mais ne pas reconnaître tous les efforts entrepris qui se révèlent pierre d’angle d’un monde plus humain, c’est assurément sombrer dans un pessimisme qui flirte avec le nihilisme.

Oui, nous savons qu’il faut tenir aux valeurs de notre civilisation.

Ecoutons Antoine de Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » : je combattrais pour l’Homme, contre ses ennemis. Mais aussi contre moi-même. Ma civilisation, dit-il, héritière de Dieu, a fait chacun responsable de tous les hommes et tous les hommes responsables de chacun.

Nous sommes, ici, au cœur de la solidarité, plus encore de la fraternité, celle-là même qui naît quand nous décidons de changer pour faire changer. Non pas avec des mots, fussent-ils ceux de l’indignation, mais en décidant de transformer l’inertie en une dynamique aux fins de donner à voir, pour le moins entrevoir, qu’un autrement est possible.

Nous ne sommes pas des saints, mais pour reprendre les mots de Bernanos, il s’agit d’être d’abord des hommes dont l’intelligence créatrice doit refuser ce qui doit l’être, en suscitant des alternatives conférant cette recherche du sens qui, conjointement, nous mobilise.

Pour faire vivre, il faut désirer vivre. Se laisser habiter par cet infini, si bien évoqué par François Cheng : « la mort… n’est point notre issue ; elle nous signifie l’extrême qui donne, élève, déborde et dépasse ».

En ces heures, peut-être dépassés par une violence qui accable, renouvelons ce « oui », « ce fiat », à ce désir de vivre. N’est-il pas le levier pour changer et par-là même transformer l’aigre de la vie en une généreuse ivresse, trace de cet appel intérieur à placer notre humanité dans la trajectoire de l’infini.

Les relations qui s’ensuivent sont d’une telle noblesse que la pierre d’angle, merveille sous nos yeux, ne relève pas d’un probable mais d’un déjà-là où l’étonnement se révèle guide d’une liberté inattendue.

Tout commence !

Bernard Devert
Octobre 2023

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