17 octobre, journée mondiale du refus de la misère

17 octobre, une journée, fût-elle mondiale, ce qu’elle n’est pas encore, pour refuser l’inacceptable, une sourde violence cachée sous un habit pudique nommé misère aux multiples haillons.

La vraie misère, dit-on, ne se voit pas. Ne serait-ce pas plutôt qu’elle se glisse dans la banalisation du mal. Un fourre-tout rejeté dans l’arrière monde, où la lumière ne pénètre que rarement. L’actualité donne du prix aux multiples mirages de cette part d’inhumanité si prégnante et pesante, trace de l’insoutenable légèreté des êtres, cause de tant d’indignité et de mépris.

Cachée… on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. Il nous faut apprendre à nommer cet essentiel, le rechercher, le désirer, afin de laisser au cœur toute sa place, la première place.

Un combat, celui du refus de la déshumanisation, à commencer par cette part de soi-même qui nous tire vers l’entre-soi, ce « bouclier » une fausse protection ô combien mortifère pour la fraternité. Alors quelle Société voulons-nous. !

La misère, dans une telle situation, ne peut être qu’endémique.

Notre civilisation rappelle l’homme roué de coups, laissé pour mort. Qui l’a sauvé, non pas le prêtre, le lévite, mais un étranger suffisamment libre et par-là même étrange avec son propre soi pour lui laisser une place et en faire son hôte.

François Cheng a des mots très justes ; je vous les partage.

De l’étrange étranger à la pâle,
Figure, toussotant dans le vent,
Qui t’a un instant fixée de son regard,
D’ange, ou même esquissé un sourire,
trop vite évanoui dans la vaste nuit.

Le Samaritain était habité par l’humilité, cette force désarmante qui fera dire à Bernanos (Sous le Soleil de Satan) qu’elle, seule, désarme l’esprit du mal.

17 octobre, journée de ce soin de l’autre dans l’esprit des soignants. Ils nous épargnent des grands mots, attentifs aux blessures, pour que la vie retrouve souffle par le miracle de leurs mains.

L’humilité, la « clinique du soin », trouve ici une plénitude de sens. Comment ne pas comprendre que l’heure n’est pas de renverser la table mais de la partager avec ceux qui ne disposent que des miettes, les oubliés de nos Sociétés. Une telle opération ne se fait pas sans quitter les anesthésies des pouvoirs et des savoirs, non plus que les addictions, boulevards de ces facilités qui mènent aux abîmes.

C’est seulement dans cette relation d’écoute et du prendre-soin que l’essentiel parle au cœur ; il guérit des séductions qui occultent la compassion et la compréhension de l’autre. Surgit cette sagesse qui donne à voir les enfers, ceux-là mêmes auxquels on s’est habitué jusqu’à ne rien voir, ou si peu.

Le jour du refus de la misère, s’il venait à traverser nos jours, ne nous placerait-il pas au pied du mur. Il est haut, trop haut, certes, mais l’audace de l’appel confère l’énergie pour commencer à le lézarder.

Ne voyez-vous pas, une lumière diaphane déjà transparaît.

Bernard Devert
Octobre 2023

Laisser un commentaire