Espérer, c’est agir

Le monde a mal, pour être en mal d’une espérance qui semble revêtir l’hiver. N’ajoutons pas de l’accablement à ce dommageable constat, mais demandons-nous que faut-il vivre pour que naisse un nouveau printemps.

Heureusement, bien des signes en ouvrent l’horizon. L’un d’eux, l’attention à ce qui fait sens pour être plutôt bien partagée, se présente comme l’un des appuis possibles, réserve faite qu’elle soit moins autocentrée pour inclure le sens de l’autre.

Si les réseaux dits sociaux ne manquent pas, idolâtres de la force, de la puissance, ils surfent sur l’éphémère, plus encore l’entretiennent se jouant des vraies valeurs quand ils ne tentent pas de les dévaloriser.

Il s’ensuit un monde qui s’agite, hésite et qui, sous couvert d’une liberté dévoyée, vacille au regard des valeurs fondatrices de notre civilisation, d’où un tohu-bohu et un tintamarre dont les assemblées représentatives de notre démocratie sont les chantres !

Où est l’âme de notre Société. Loin d’être perdue, elle est plus prégnante qu’imaginée, mais encore faut-il lui offrir une visibilité pour ne pas la tenir à distance comme si elle était un vestige du passé.

Rien ne peut laminer ce qui est juste. L’intelligence du cœur qui n’a rien d’artificiel éveillera toujours le champ des possibles. Là, convergent la soif du dépassement de soi et cette recherche intérieure permettant d’entendre et comprendre l’infini qui sommeille, mais jamais ne meurt

Quoi donc, s’écrie Victor Hugo, vous n’avez rien au cœur qui vous déchire.

Paul Claudel évoquera cette même déchirure qu’il n’oubliera point, donnant place à l’étonnement et à l’émerveillement.

Habitat et Humanisme tente – insuffisamment – j’en donne volontiers acte ‑ de susciter au moins cet étonnement en permettant aux oubliés de la Société de trouver une place non pas dans un ailleurs ou dans ces quartiers tristement réservés à ceux qui n’ont d’autres possibilités, d’autres choix, que d’être assignés à des lieux clôturant les liens.

Si notre association ne parvient pas à changer d’échelle, elle s’est transformée de par la rencontre de ceux dont elle s’approche, « cognés » par de multiples blessures : l’isolement, la pauvreté, la dépendance physique et psychique.

A quelques semaines de Noël, berceau éternel d’un avènement et d’un événement, où ceux qui en goûtent la présence sont en chemin vers leur naissance (Francine Carrillon), puis-je solliciter votre participation à une fraternité vis à vis des hospitalisés dont l’état de santé ne nécessite pas le maintien sur un lit d’hôpital, mais des soins à domicile.

Là, précisément, surgit la difficulté. Comment assurer ces soins quand le patient est seul, confronté à une pathologie lourde ou lorsque son logement est indécent, voire absent ?

Aussi, après de nombreuses réunions avec les responsables des services d’urgence des hôpitaux, de Centres Hospitaliers Universitaires à Montpellier, Nantes, Paris, Toulouse et le Ministère de la Santé (cf. lettre jointe), il apparaît judicieux de poursuivre la création d’un dispositif d’aval facilitant la sortie de l’hospitalisation dont nous avons une expérience via la confiance accordée par le Centre Léon Bérard, où je fus aumônier pendant quatorze ans.

Le prix de journée est de 70 € jour (repas et veille médicale comprise), les soins étant pris en charge par l’assurance maladie.

Sur les 114 chambres que nous souhaitons affecter à ce dispositif, 40 % des personnes appelées à être accueillies ne peuvent pas supporter le coût, d’où la recherche d’un important mécénat.

Des Mutuelles et Fondations s’investissent à nos côtés, mais il nous faut trouver des donateurs qui accepteraient de participer à une prise en charge de cet hébergement (70 €/jour).

J’ai la faiblesse de penser que rendre possible ce dispositif expérimental, appelé à être retenu par les pouvoirs publics, c’est bâtir une « clinique de la dignité » pour ceux qui, déjà en difficulté, s’interrogent sur leur place suite à cette hospitalisation.

La réponse, la vôtre, la nôtre, traduit le souci qu’on a les uns des autres afin que personne ne soit laissé dehors.

Le monde a besoin de ce berceau qu’est la fraternité pour se laisser interroger sur le monde que nous laisserons. Toute responsabilité assumée auprès de ceux qui ne pensent être rien pour n’avoir rien ré-enchante le monde dans cette attention au visage du plus petit qui porte l’inouï.

La fraternité n’est pas une valeur du passé ; elle conduit à voir ce qu’il faut entreprendre pour créer des solidarités actives qui désemmurent de l’habitude. Alors s’ouvre ce passage pour habiter le temps de ces possibles qu’offre toute création.

Bernard Devert
Novembre 2023

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