Le « Lyon est mort » titrait à la « une » le Progrès pour annoncer, ce 26 novembre, le décès de Gérard Collomb, qui fut Maire de Lyon pendant 20 ans.
Cette ville, disait-il, a donné sens à ma vie.
Professeur agrégé de grammaire, il était un maître en écriture et il le fut comme bâtisseur, offrant à la Ville et à la Métropole, à laquelle il se donna corps et âme, une attractivité que personne ne peut lui contester.
Homme de grande culture, il était habité par une ambition et une vision.
Une ambition, donner à Lyon une place dans le concert des grandes Métropoles européennes.
Une vision qui n’est pas étrangère au respect de ses parents et à son milieu social pour précisément non pas gommer les différences, mais en faire une richesse, une mosaïque se dessinant dans cette approche de la mixité sociale qu’il a promue.
Ainsi, il apporta au 9ème arrondissement, auquel il resta très fidèle, une grande ouverture procédant à la déconstruction de ces barres qui, selon l’expression de Le Corbusier, sont des machines à loger. Les machines sont au service de l’homme, elles n’ont pas à l’abriter.
Ce bâtisseur sut, de par la finesse de sa culture, créer des perspectives qui ont ennobli Lyon, Capitale de l’humanisme, Lyon Capitale de résistance.
Il était un grand serviteur, habité par la philosophie du personnalisme, une école d’humanité que le Professeur Jean Lacroix lui fit découvrir. Il y a un an, Gérard Collomb fit une brillante intervention à l’Université Catholique de Lyon, présentant avec passion l’œuvre d’Emmanuel Mounier, père du personnalisme.
Maire, puis Ministre de l’Intérieur, il quitta sa charge ministérielle sans doute trop prématurément, laissant un message inquiet devant une Société qui, pour perdre ses repères, se délite. Qui a oublié ses mots d’adieu lors du départ de son Ministère: « Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain on vive face à face ».
Aux fins d’éviter ce face à face, il nous faut faire face à l’ennemi qui a pour nom la haine, nourrie par les iniquités et les pertes de chance accumulées mettant à mal la cohésion de la Société.
Le drame est ce manque de volonté politique dont témoigne le silence opposé aux requêtes formulées, depuis tant et tant d’années, pour que la mixité sociale soit érigée comme une grande cause nationale. Aucun de ses grands acteurs ne parvient à se faire entendre.
Se taire est un laisser faire du marché qui piétine la fraternité et l’égalité entre les citoyens.
Gérard Collomb nous quitte à un moment où des voix haineuses se font entendre quant à leur volonté violente d’en découdre avec des minorités et avec ceux considérés comme étranges pour être étrangers.
Sur les ondes d’une radio de grande écoute, laquelle ne justifiait en aucune façon ces propos insupportables, la guerre était présentée par une personne interviewée comme le seul moyen de se libérer de ceux qu’on ne veut pas ou plus voir. Si l’histoire ne se répète pas, elle fait parfois naître des ressemblances, impensées il y a encore moins de 10 ans et qui désormais gangrènent les esprits.
Face à la violence, il nous faut trouver l’audace d’opposer la paix qui se construit – et c’est encore heureusement l’heure – dans cette approche de réconciliation qui ne se dit pas avec des mots, en tout cas pas seulement, mais précisément en éradiquant les maux qui sèment tant de désarrois.
Pour sortir du brouillard de l’être qui met le cœur en hiver et le regard à l’envers, dit Francine Carrillo, donnons à l’humanisme la place qu’il lui revient. Ne boudons aucune démarche de nature à mieux le partager.
Bernard Devert
Novembre 2023
