L’Abbé Pierre, géant de la solidarité, confronté aux ombres et lumières

L’insurgé de Dieu suscite en ces temps troublés une insurrection de l’incompréhension. Non pas lui, il a fait tant de bien !

L’image de l’Abbé Pierre est altérée, mais son œuvre immense demeure.

Ces dernières années, nombre de fondateurs d’organismes importants, à caractère religieux ou social, ont connu des faits semblables à ceux reprochés à l’Abbé Pierre, 17 ans après avoir quitté ce monde.

L’Abbé Pierre avait une trop vive lucidité pour ne pas souffrir des pulsions qui le jetaient dans des abîmes, lui qui savait tant réveiller les consciences.

Souvenons-nous de son dernier combat. Exténué par l’âge, a 93 ans, il se rend dans l’hémicycle en chaise roulante demandant aux députés de ne point revisiter la loi Solidarité et Renouvellement Urbain.

Une fois encore, il trouva les mots et emporta l’adhésion. L’honneur de la France, c’est quand le fort s’applique à aider le plus faible, aimait-il à dire.

Fort, il l’était, un géant de l’action sociale dont la vie fut celle d’un engagement permanent pour aider les oubliés de la Société. Ne fut-il pas, pendant de longues années, la personnalité préférée des Français.

Il en oublia sa propre fragilité.

Une question surgit. Pourquoi, alors qu’il a tant aidé, n’a-t-il pas trouvé de soutiens, acceptant d’être accompagné aux fins de traverser les fragilités qui l’assaillaient.

Simone Weil, la philosophe, dans son ouvrage « la pesanteur et la grâce », dit que Dieu ne peut aimer que sa capacité à s’effacer, comme Lui-même s’efface pour lui permettre d’exister.

L’abbé Pierre n’a peut-être pas ou pu laisser de place à cet effacement si nécessaire qui permet d’exister non seulement à partir de ce que l’on fait, mais à partir de ce que l’on est. Le prendre-soin de l’autre, des autres, n’appelle-t-il pas un prendre-soin de soi se révélant finalement un soin pour tous.

La sainteté n’est pas la perfection ; elle est une lumière diaphane donnant à voir les ombres, non pour se culpabiliser mais pour trouver l’audace de rechercher les aides possibles afin de lutter contre le déni qui trop souvent s’empare de soi, alors même que les fracas submergent.

Cette attention à soi-même est un espace de liberté.

A quelques jours du 31 juillet où sera sans doute commémoré le 80ème anniversaire de la disparition de Saint-Exupéry, abattu, alors qu’il se battait pour la liberté, n’est-il pas judicieux de réentendre ses mots : la liberté, c’est l’ascension de l’Homme.

Cette ascension, l’Abbé Pierre l’a suscitée. Aussi, dans cette liberté introduisant une ouverture sans pour autant pactiser avec l’insupportable, l’heure est de reconnaître l’homme dans son humanité qui n’est pas sans grandeur, ni faiblesse.

Bernard Devert

Juillet 2024

Un commentaire sur “L’Abbé Pierre, géant de la solidarité, confronté aux ombres et lumières

    merci pour ce beau texte …merci pour toutes les nuances apportées à la grandeur de l’Homme et reprenons les termes de st Exupéry.

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