J’ai mauvaise conscience ; sans doute êtes-vous un certain nombre à partager ce ressenti amer quant à ces sans-abris qui attendent et attendent un toit. Une situation rampante et déshumanisante qui s’aggrave, d’autant que ce drame, se banalise.
Difficile de ne pas voir ces toiles de tentes qui s’étendent dans les villes, plus particulièrement les métropoles. La rue ne peut pas être un abri, aussi ne nous abritons pas derrière un fatalisme jetant un voile pudique sur les responsabilités inhérentes à la fraternité.
Chaque être, quelle que soit son histoire, a droit au respect de ce qu’il est, de son intimité ; le toit en est une des conditions inviolables, sauf à consentir à une non-assistance à personne en danger, un délit sur le plan juridique ; je n’ose le qualifier sur le plan moral.
Que de portes fermées paradoxalement laissent entendre à ceux qui ne trouvent point ce toit, un bruit qui claque, celui du mépris : « vous êtes dehors pour n’avoir rien, pour être rien ». Terrible !
Prenons conscience de la souffrance de ces visages que la grande pauvreté abîme. Etonnant le silence de ces hommes et de ces femmes, seraient-ils des résignés, parfois, mais nombre d’entre eux, incroyable, demeurent habités par la confiance qu’un jour nous entendrons et comprendrons leur détresse.
Citons Bernanos, ce prophète de l’espérance : aimer, dit-il, pour comprendre et comprendre pour aimer. Quand comprendrons-nous au point d’agir pour relever le défi. Je mesure ma responsabilité à l’égard de cette maman qui, chaque soir depuis des mois, trouve comme abri le collège où sont scolarisés ses enfants. Elle est aide-soignante dans un grand hôpital, lequel est loin d’être indifférent pour avoir lancé un SOS en désespoir de cause.
Ce cas est loin d’être isolé ; le sujet n’est pas de dénoncer mais d’énoncer des propositions crédibles aux fins de sortir de ces abominables situations.
Au regard de ces urgences, notre fonds de dotation Acteurs d’Humanité participe à des aides ponctuelles pour que les plus vulnérables – c’est un comble – ne soient pas les derniers accueillis dans les logements sociaux.
Vous savez aussi notre volonté de réduire la vacance des logements ; elle est très importante. Je l’ai évoquée plusieurs fois dans mes chroniques. Sans doute me suis-je mal fait comprendre.
Les propriétaires de logements inoccupés en cœur de ville, qui accepteraient d’apporter à nos foncières solidaires un usufruit temporaire, trouveraient de par ce dispositif une juste opportunité, nous-mêmes prendrions en charge, en tout ou partie, les travaux de mise aux normes en mobilisant les subventions, loin d’être négligeables.
A noter que l’usufruit temporaire supprime pour les propriétaires les charges, l’impôt foncier, l’exonération de l’IFI pour ceux assujettis et l’annulation des pénalités au titre de la vacance.
Après réhabilitation ces logements, alors éligibles à l’Aide Personnalisée au Logement, permettraient à bien des foyers de trouver enfin un toit. Les bailleurs, en retissant le tissu social, verraient dans le même temps leurs biens revalorisés.
Ces mesures, si certains d’entre vous pouvaient l’envisager, ré-enchanteraient bien des relations.
Je ne désespère pas qu’elles trouveront leur place, me rappelant les mots de Bernanos : « Il faut qu’une idée s’incarne, qu’elle s’incarne dans nos cœurs, qu’elle y prenne le mouvement et la chaleur de la vie. » (Le Chemin de la Croix des âmes).
N’est-ce pas aussi cela incarner l’espérance.
Bernard Devert
Janvier 2025
