Quand l’espérance interroge la solidarité

J’observe que si dans mes chroniques les engagements du Mouvement Habitat et Humanisme vous sont partagés, j’oublie peut-être – et vous prie de m’en excuser – de vous remercier pour l’accompagnement que vous nous réservez.

Merci, ce mot juste et sobre trouve, ici, toute sa place.

La lutte contre la pauvreté, parfois la misère, vous en êtes des acteurs, même les premiers, pour nous donner les moyens d’agir.

Sur le terrain, nous voyons des situations dommageables et même inacceptables tant elles sont blessantes et irrespectueuses de la dignité des personnes qui en sont victimes.

Si vous n’étiez pas là, que ferions-nous, rien ou si peu, sauf à tenir des discours répétés à l’envi qui ne changent rien et qui, parfois pire, ne font que banaliser le mal avec pour conséquence le malheur auquel la Société s’habitue.

Seulement et heureusement, vous êtes là.

Je mesure combien votre engagement est une chance à un moment où l’Etat providence s’éloigne de par les déficits budgétaires abyssaux auxquels il est confronté. L’heure ne saurait être celle de l’indifférence, elle ne rôde que trop, jetant dans l’ombre quand ce ne sont pas les abîmes, trop de nos concitoyens touchés par la vulnérabilité.

L’unité de la Société se lézarde, le tissu social se déchire, si bien que des ménages, des foyers, passent de notre rive à une dérive.

L’humanisme est un soin traduisant une espérance dont conjointement nous sommes des semeurs.

Challenges, un hebdomadaire économique, titre cette semaine dans un de ses suppléments : « crise du logement, un scandale français ». L’article rappelle ce que nous évoquons depuis plusieurs semaines que près d’un logement sur cinq à Paris est inoccupé.

Dénoncer ce scandale est nécessaire, mais énoncer des réponses qui l’atténuent est ô combien plus important.

Notre mission est de faire naître de nouveaux possibles, suffisamment crédibles pour que les politiques et grands acteurs chargés de l’urbanisme et de l’habitat prennent à « bras le corps » les mesures susceptibles de passer de l’indignation à des actions transformatrices et régulatrices du marché.

Si, avec vous et grâce à vous, nous sommes des semeurs d’espérance, la question qui se pose est sa germination, en d’autres termes, son impact.

Le résultat de cette semence appelle l’acceptation d’une attente ; l’espérance, pour reprendre les mots de Bernanos, est celle du désespoir surmonté.

Pour ce faire, il nous faut bâtir des passerelles afin de joindre et nous laisser rejoindre par ceux qui précisément désespèrent, d’où notre mobilisation incessante, depuis 40 ans, de veiller à ce que l’acte de construire soit un acte de fraternité pour l’inscrire dans le cadre de la mixité sociale.

Les résultats ne sont pas instantanés, mais sans patience, traduisant une bienveillance, il n’y a aucune possibilité de changer et de faire changer ce qui doit l’être.

Il convient de prendre en compte les différences culturelles, sociales qui séparent ; il faut du temps pour comprendre, se comprendre. Impossible d’en faire l’économie, sauf à sombrer dans un fatalisme et dans ces jugements tout faits qui concourent aux incompréhensions.

Dans la Bible, ce grand livre d’humanité, il est précisé qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Faudrait-il en tirer la conclusion que rien ne peut changer, naturellement, non ! Il s’agit de s’interroger : sous le soleil peut-être, mais au-dessus, qu’en est-il ?

Nous voici au cœur d’un appel à vivre un déplacement. Si, là, commençait l’espérance, une folie, chemin de la sagesse.

Bernard Devert

Janvier 2025

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