Allons à l’essentiel avec la participation active de nos aînés

Avec Camus nous savons que mal nommer les choses, c’est contribuer au malheur du monde, mais c’est aussi l’aggraver que de ne pas voir la souffrance de ceux qui se sentent abandonnés, oubliés.

Il me fut donné de rencontrer, il y a quelques jours, une personne ayant exercé des fonctions importantes sur le plan culturel et qui, en raison de l’âge, alors qu’elle bénéficie de toutes ses facultés intellectuelles, a le sentiment d’être désormais inutile comme beaucoup de nos grands aînés.

La solitude construit des murs qui, pour être invisibles, n’en sont pas moins réels. Le drame est que la Société non seulement les laisse surgir, mais participe à leur consolidation via ces lieux finalement étrangers à une hospitalité holistique des corps et de l’âme, d’où les questions qui fusent : « pourquoi suis-je encore là, quel sens a encore ma vie ».

Une écoute attentive de ceux dont nous sommes les héritiers laisse entendre une angoisse prégnante ; comment ne pas entendre l’invitation à ouvrir de nouvelles perspectives à nos aînés.

La réflexion de cet ami rencontré me touche : nous ne voulons pas, dit-il, être « objet de soins » mais participer à la vie commune ajoutant, pourquoi l’âge ferait-il de nous des citoyens à part, appelés et même condamnés à se taire.

Observons le hiatus, plus encore l’abîme, entre l’espérance de vie et la qualité de vie.

Si les chercheurs, médecins et acteurs de politique de santé sont parvenus, non sans énergie à ce que les très nombreuses années gagnées, plus de 20 ans d’espérance de vie entre 1950 et aujourd’hui, la Société n’a pas su prendre en compte cette donnée, la mort sociale anticipant désormais trop souvent la mort biologique.

La Société serait-elle moins vivante que nous ne le pensons pour être repliée dans un consumérisme déployé qui donne parfois le vertige, mettant à distance ceux qu’elle juge ne pas pouvoir être utiles à cette course de l’efficience, voire même l’entrave.

Rappelons les deux interrogations quasiment semblables de la part de nos aînés et de la jeunesse : les premiers, pourquoi suis-je encore là si je dois participer à rien et les seconds : quel sens donner à la vie dans une Société privilégiant l’utilitarisme et le virtuel sans en faire un passage vers l’idéal.

Ces deux moments de la vie ne pourraient-ils pas mieux se rencontrer pour susciter une plus grande harmonie qui manque singulièrement à notre Société.

Pourquoi se priver de la floraison de l’expérience de ceux qui ont traversé les doutes, surmonté les échecs, revisité les réussites. Méritent-ils d’être considérés comme ringards pour être mis dans un placard.

L’actualité politique montre que le Premier Ministre, fort de sa longue expérience, a pu enfin offrir au Pays un budget introuvable suscitant des rapprochements susceptibles de faire taire ces vociférations dans un Hémicycle ayant perdu le sens de la sagesse.

Cette sagesse, ne la boudons pas ; elle traduit une vie intérieure à laquelle est portée peu d’attention dans un monde pressé, affairé, qui ne veut pas perdre de temps pour n’avoir pas compris que c’est précisément ce temps jugé comme perdu qui éveille à l’essentiel.

Bernard Devert

Février 2025

Laisser un commentaire