« Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance ». Et je n’en reviens pas !
Nous nous souvenons de ces mots de Péguy qui compare l’espérance à une petite fille qui n’a l’air de rien du tout, ajoutant… c’est elle qui entraîne tout.
Notre Société ne sait plus s’étonner, elle tonne !
Comment ne pas comprendre devant tant de violences, de drames, d’indifférences, de mépris de l’autre et des autres que d’aucuns s’interrogent, inquiets, la vie n’est donc rien ou si peu ?
Impossible d’espérer quand les cœurs et les esprits sont désabusés. Quand cette petite fille est oubliée, parfois assassinée, l’arrogance s’installe, blessant les valeurs de notre civilisation. Apparaît une ghettoïsation, née d’un communautarisme avancé qui, déjà, dessine des clans, destructeurs de la cohésion sociale.
Les responsabilités sont plurielles ; elles concourent toutes à un ressenti de déclassement consommé. Tout se vaut, aggravant un relativisme rampant d’autant que le langage qui se permute en cris et outrances, corrompt toute idée de vérité et de recherches de justes compromis pour vivre ensemble.
Quand le langage distille la haine, quand les images ne sont plus respectueuses de la dignité des personnes, prises comme sujet des pulsions mortifères, la pensée s’altère.
Le risque n’est pas probable, il est avéré.
Comment ne pas relever que non seulement l’espoir d’un monde meilleur s’est dissipé mais, plus grave, l’espérance s’est brisée. Quand la petite fille espérance s’éloigne, la puissance s’impose avec ses mensonges et illusions.
Ainsi, quand François, attentif aux périphéries, s’inquiète de la situation réservée aux réfugiés, ces hommes et ces femmes en grande vulnérabilité, immédiatement le principal conseiller de Donald Trump en matière de politique migratoire déclare que le Pape doit « se concentrer sur l’Église catholique et nous laisser nous occuper des frontières ».
Quand on ne veut plus voir la petite fille de rien du tout qu’est l’espérance, alors surgit ce qu’on ne voudrait justement plus voir, condamnés à répéter à l’envi ces mots tardifs et finalement insignifiants : « plus jamais ça ». Ce « ça » est le fruit amer de la perte de « l’attention » aux minorités.
N’espèrent vraiment que ceux qui sont des vigiles de la fragilité ; désertée, les hommes deviennent des êtres habitués et non plus habités. Là commence l’irresponsabilité avec immanquablement la conséquence de devenir les jouets de la force.
Espérer, c’est résister, en d’autres termes, quitter ce qui est inacceptable, non pour déserter le monde mais pour rejoindre cette « autre réalité », si justement soulignée par la philosophe, Simone Weil, précisant qu’on n’y accède, ni par la volonté, ni par l’intelligence mais seulement par l’attention et l’amour, ce consentement qu’elle nomme prière.
Femmes et Hommes de bonne volonté, il nous appartient de vivre ce consentement, clé du respect infini de chacun ; il introduit une solidarité créatrice de relations, un appel à être des pèlerins non pour fuir le tragique, mais pour espérer foncièrement qu’au bout de la nuit, il n’y a pas encore la nuit mais l’aurore, rejoignant ainsi Bernanos, l’espérance, dit-il, ce désespoir surmonté.
Bernard Devert
Février 2025
