Le Havre, ville bien nommée

De nouvelles portes au Havre se sont ouvertes au mois de décembre pour accueillir des mamans ukrainiennes venues avec leurs enfants aux fins de les protéger d’une violence, née d’une agression aussi brutale que stupide, émanant du maître du Kremlin rêvant d’une grande Russie, comme si ses territoires n’étaient pas suffisants.

La grandeur, quand elle est recherchée à partir de la possession, est souvent meurtrière de l’humain.

Edouard Philippe, Maire du Havre, lors de l’inauguration de cette maison d’accueil, premier jour du printemps, rappela les engagements financiers et logistiques de sa ville à l’égard de Marioupol. Il ne fit pas mystère de sa fierté, partagée par les havrais, de voir le drapeau ukrainien, flotter aux côtés de celui de la France et de l’Europe, sans discontinuité depuis l’invasion de l’Ukraine.

L’accueil de nos amis, sauvagement agressés, se réalise dans un ancien foyer des cheminots, entièrement réhabilité, à proximité de la gare. Le Président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, venu tout particulièrement pour cette inauguration, souligna les valeurs humanistes des cheminots sachant, chaque fois que nécessaire, mettre sur les rails l’esprit de résistance, cette force morale permettant de ne point déserter la dignité sans laquelle la liberté est mise à mal.

Cet espace de vie est un refuge, au sens où il permet de refaire des forces afin de se hisser vers cet essentiel qui conduit à ne point désespérer. Certes, les traumatismes de la guerre ne se sont point éloignés pour laisser à jamais des traces indélébiles dans les cœurs et les esprits de par la séparation des proches, condamnés à se battre au prix de leur vie pour défendre leur pays.

L’inquiétude est vive et palpable.

La mission d’Habitat et Humanisme Urgence est d’être là où les hostilités entraînent des abîmes dont la réparation demande une hospitalité offrant des liens à ceux plongés dans le malheur. L’urgence, bien comprise, actualise ces mots de Jean Jaurès : il n’y a pas de plus beau combat que celui pour la paix.

Ce combat, notre association entend ne point le déserter ; il est permanent, la misère et la pauvreté ne sont-elles pas une agression, entraînant des morts sociales, mais pas seulement. Quand prendrons-nous en compte cette triste réalité dont les conséquences psychologiques et financières sont considérables ; connues, elles sont tues.

Pour se défendre de l’ennemi – et c’est légitime – des milliards d’euros sont mobilisables. Ils sont absents quand l’adversaire a pour nom la pauvreté qui dérange peu, tant les victimes sont éloignées dans des quartiers qui leur sont assignés.

Quelles sont les armes pour les défendre ? Un financement, mais pas seulement. Il s’agirait surtout de prendre le risque de désarmer, en d’autres termes de quitter les idées toutes faites qui concourent largement à victimiser les plus vulnérables.

Veiller à ce que les plus fragiles retrouvent l’estime d’eux-mêmes nécessite des formations adaptées et un logement qui ne soit pas seulement un hébergement, mais bien cet espace pour habiter, une des conditions pour espérer.

Une telle perspective d’humanisation induit un combat qui ne relève pas de la force mais de cette humilité ou le regard sur l’autre, l’étranger, le différent, se révèle une fraternité qui transforme et même transfigure les relations.

Au Havre, cette inauguration laissait entendre un espoir, quand la paix, une paix durable, pourra-t-elle naître avec cette question : pourquoi faut-il traverser tant de drames, répéter si souvent « plus jamais ça », pour que l’imbécilité de la violence se taise.

Bernard Devert
Mars 2025

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