Que de discussions, de réunions, sur l’enjeu sociétal de ce mal logement toujours évoqué, jamais réglé. Un drame qui s’aggrave encore dans l’indifférence, alors que près de 400 000 logements sont inoccupés en Île-de-France et dans les grandes métropoles. Ce chiffre ne fait pas l’objet de contestations.
Depuis quelques mois Habitat & Humanisme, mais pas seulement, appelle les pouvoirs publics et les bailleurs sur cette « vacance », un mépris vis à vis de nos concitoyens galérant pour trouver un toit.
Certes, l’instabilité politique n’est pas étrangère au silence opposé aux propositions formulées au mois de juin, lors de la tenue de l’Université de la ville de demain placée sous l’égide de la Fondation Palladio. Experts et professionnels ont marqué un intérêt sur les orientations préconisées. A ce jour, elles restent peu audibles, les représentants de la Nation s’inquiétant davantage de leurs pouvoirs que de rechercher une trajectoire mettant fin à des situations intolérables qui n’accrochent même plus les regards. La société s’est habituée.
Voici, disait Saint-Exupéry, qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en péril. Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres. A nous diviser sur les méthodes nous risquons de ne plus reconnaître que nous nous hâtons vers le même but.
Cette observation ne présente aucune ride.
Le but quand il n’est pas éclairé par une espérance partagée s’estompe. Il nous faut entendre les vers d’Aragon « Dans la Rose et le Réséda »
« Quand les blés sont sous la grêle,
Fou qui fait le délicat,
Fou qui songe à ses querelles.
Au cœur du même combat, celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas. »
Ce combat doit conduire préalablement à un discernement sur les vrais prophètes. Non ceux qui prédisent l’avenir mais veillent à le rendre possible, rappelait Saint-Exupéry. Comment mieux les reconnaitre que de se tourner résolument vers les bâtisseurs de sens sachant s’oublier pour être présents à ceux qui peinent et doutent d’eux-mêmes.
Les lambris des pouvoirs et leurs illusions sont si éblouissants qu’ils déroutent de l’essentiel. Le but ne se découvre que dans la recherche passionnée d’un vivre ensemble éclairé par le respect et la fidélité à nos raisons de vivre et d’espérer.
Alors, et alors seulement, se joue le déploiement des responsabilités qui portent haut le respect jusqu’à devenir source de la fraternité.
Personne n’est le père de lui-même, il est l’enfant appelé à reconnaitre cette source qui fait exister et qui conduit à faire exister.
Voyant la paralysie face à l’urgence de bâtir, la source ne serait-elle pas asséchée, pour rester étrangers à ces femmes et enfants à la recherche d’un toit, ou encore ces foyers en attente, depuis des années, de lieux donnant lieu au respect de la vie.
Quelle humanité possible quand les trottoirs se font les lits des pauvres.
Le respect, toujours, fait se lever des hommes et des femmes, témoignant que nul n’est source de ce qu’il a ou de ce qu’il est. S’éveille alors un avenir ouvert à la fragilité, fermé aux jugements hâtifs et aux fausses tranquillités de ces replis sur soi. Là, enfin, peut naitre l’enfant qu’est la Fraternité.
A cette communauté, ensemble nous appartenons, bien décidés à la faire vivre.
Bernard Devert
Octobre 2025
