Ce droit d’asile peut-il être évoqué à la lumière du cœur

Ce 8 octobre, la ville de Millau se mobilisait sur la question de l’asile pour en souligner les méandres et l’urgence. L’un de nos centres d’accueil de demandeurs d’asile, par abréviation CADA, ouvrait ses portes.

L’asile est un droit, plus encore, une responsabilité des hommes libres à l’égard de ceux dont la vie est en danger, victimes de violences morales, physiques en raison de leurs convictions, leurs engagements politiques, sociaux, culturels, ou religieux.

Cette journée des portes ouvertes du Cada de Millau fut un éveil pour mieux comprendre le sens de l’asile à un moment où tant de voix se lèvent contre l’hospitalité inconditionnelle.

L’individualisme prégnant de nos Sociétés n’est pas sans causer une indifférence à l’égard de ceux qui sont en souffrance. N’entendons-nous pas : « ce n’est pas mon problème » ; l’expression, loin d’être anodine, se révèle cruelle, n’est-elle pas celle d’une non-assistance à personne en danger.

Que de traversées de frontières et de mers sont loin d’être un voyage programmé, mais un déracinement d’hommes et de femmes essayant de fuir la violence. Difficile ce refus de l’hospitalité au motif que leurs souffrances ne sont pas les nôtres. C’est alors toute notre humanité qui pâtit de ce manque de solidarité.

Que d’alibis pour se mettre à distance ; l’un d’eux est constamment énoncé : « nous ne saurions accueillir toute la misère du monde ». Certes, mais nous pouvons et devons prendre notre part.

Accepter d’ouvrir les portes du cœur, c’est refuser de s’installer dans un confort protégé par une ligne de défense via deux expressions qui se présentent comme un bouclier : « trop nombreux, qu’ils aillent ailleurs ».

Ces portes ouvertes ont offert une chance de mieux habiter le tragique de la situation des réfugiés afin de se laisser interroger par l’éthique de l’hospitalité qui, sacrifiée, altère les valeurs de notre civilisation.

Ces portes ouvertes doivent rappeler que tant de mains des lointains sont celles qui construisent ces lieux que nous habitons ; nombre de leurs mains sont aussi celles qui soignent pour nous offrir des lendemains plus sereins.

Comment oublier tous ceux qui travaillent dans les hôpitaux et les maisons de soins. Nombre d’entre eux viennent d’Afrique et du Maghreb ; s’ils n’étaient pas là, ces hauts lieux d’humanité fermeraient leurs portes. Qui peut le contester.

Permettez-moi d’évoquer Simone que la vie avait chéri de talents, de ressources. Au soir de sa vie, une dépendance physique lui imposa d’entrer dans une maison médicalisée accessible, en raison des coûts, qu’à des personnes aisées. Surprise, bien des soignants se trouvaient être des étrangers ; elle n’avait pas beaucoup d’empathie à leur égard. Vite, elle comprit que, sans eux, rien n’était possible. Elle me confia alors, quelques jours avant de mourir, combien elle avait manqué de discernement pour leur être restée si longtemps indifférente et même opposée.

Or, ces lointains furent des mains expertes qui prirent soin, jusqu’à s’approcher au plus intime d’elle-même avec délicatesse et respect.

Se souvenant de Péguy, Simone me glissa ces mots dans ses derniers souffles : « j’avais les mains propres, mais je n’avais pas de mains », ajoutant, tout doucement, la fraternité est sœur de la fragilité.

Millau est le lieu d’un grand et magnifique viaduc. Puisse-t-il nous inviter à vivre cette traversée intérieure pour que le cœur parle quand il est question d’asile, jusqu’à découvrir l’urgence d’y prendre part, simplement notre part, toute notre part.

Oui, merci à tous ceux qui ont préparé et participé à ces portes ouvertes du Cada de Millau ; elles ouvrirent grand la fraternité, chemin d’un vivre-ensemble, souvent difficile, controversé, mais qui mène vers plus d’humanité.

Sur ce chemin, le Christ ne cesse de nous dire : « j’étais étranger et vous m’avez accueilli. Ne me tirez pas dessus, je suis à découvert, comme chacun l’est quand l’Evangile devient sa boussole de vie.

Bernard Devert
8 octobre 2025

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