Notre Pays et l’Occident connaissent une diminution de leur démographie sans trop ‑ semble-t-il ‑ nous inquiéter, au moins nous interroger, sur ce qui peut ressembler à une peur de donner la vie.
Les causes sont multiples : la guerre en Europe avec l’Ukraine, notre planète si malmenée que d’aucuns pensent que tout cela va mal finir, attendu les catastrophes naturelles qui s’aggravent en nombre et en intensité, sans oublier les politiques qui ne sont pas à la hauteur des défis à relever. Tout doucement mais sûrement s’installe un pessimisme qui concourt à un repli sur soi amer et délétère.
Quand la recherche concrète du sens s’éloigne, l’attention aux autres recule. Ainsi, nous assistons à un phénomène d’isolement qui gangrène la Société, tant il devient massif, fut-il silencieux.
Comment ne pas observer qu’au soir de la vie, comme au début de l’âge adulte, les grands aînés et les jeunes partagent une même réalité, la solitude.
Quand deux jeunes sur trois disent se sentir seuls, comme les personnes âgées, alors il nous faut prendre conscience que la fraternité s’est fracturée par l’indifférence ; elle s’est singulièrement installée.
Nous assistons à une rupture des relations intergénérationnelles ; que de souffrances qui, pour être cachées, parfois occultées, n’en sont pas moins réelles.
La mort sociale des personnes âgées a augmenté de plus de 150 % en 10 ans.
Une jeunesse est aussi touchée par cette mort sociale, les plongeant dans bien des amertumes. La principale cause de décès des jeunes est le suicide. Les tentatives de suicide et d’auto mutilation ont explosé en 2024 (+ 6% en un an).
La France est l’un des pays qui consomme le plus d’anxiolytiques au monde avec plus de 12 millions de personnes concernées.
Concernant les jeunes, il est insupportable que trop d’étudiants doivent se priver de nourriture pour parvenir à se loger. Alors qu’ils préparent l’avenir, la Nation est trop indifférente à leurs conditions de vie injustes.
Là, encore, l’habitat est au cœur de cette étrangeté et de leur isolement. Cette semaine, un ami, Michel, appelait mon attention sur le fait que bien des personnes âgées, lui-même reconnaissant qu’il s’en approche, vivent dans de grands appartements, parfois seules ou en couple. Ainsi, dit-il, dans la résidence que j’habite depuis 40 ans, après avoir élevé avec mon épouse cinq enfants, nous sommes plus que seize aujourd’hui, alors que nous étions 56 occupants.
Michel s’est investi avec son épouse pour réaménager l’espace de leur logement en créant un T1 bis, lequel bénéficie d’un confort et des surfaces protectrices de l’intimité.
Voici un exemple très concret qui conduit à un partage, par-là même à une solidarité bénéfique pour tous, introduisant une vigilance de bon aloi pour retisser la cohésion sociale.
Chantal, l’épouse de Michel, trouvait l’idée judicieuse, mais rien ne presse, disait-elle, puisqu’à tous deux nous n’avons que 160 ans ! Les travaux, qui viennent de se terminer, permettent d’offrir à une aide-soignante au début de sa carrière professionnelle de disposer d’un logement en centre-ville.
Des solitudes brisées et une reconnaissance de l’autre se font jour.
Aussi, fort de l’accompagnement de Michel, Habitat et Humanisme a-t-elle décidé, sous son égide, de créer un service pour que nos aînés puissent disposer d’informations, d’aides nécessaires pour réfléchir et mettre en œuvre de tels projets financièrement peu onéreux, pouvant être accompagnés de subventions.
Voici qu’à l’aune de l’attention aux autres, de grands espaces se transforment en biens qui font du bien.
Bernard Devert
Novembre 2025
