En cette rentrée, quelle liberté éprouvons-nous pour changer et faire changer ?

Qui ne se souvient pas de son enfance où après les grandes vacances, nous prenions possession de nouveaux livres et de cahiers encore vierges rappelant que ce moment était celui d’une ouverture pour faire du neuf.

Les années s’écoulent. Toute rentrée n’en réveille-t-elle pas la mémoire, jusqu’à se demander ce que nous pouvons entreprendre de nouveau ou différemment, gardant ainsi dans le cœur l’idéal qui protège de l’indifférence. Habitons-le pour se mettre à distance de ce qui conduit à s’habituer avec ce risque de se laisser emporter par un pessimisme délétère.

Avec la rentrée, le journal La Croix publie une enquête rappelant qu’il manque 280 000 logements à destination d’étudiants en Ile-de-France. Aussi, trop sont conduits à supporter des loyers plus élevés en rupture avec leurs ressources.

La seule variable d’ajustement est l’alimentation, les contraignant à sauter plus de 3 repas par semaine ; un étudiant sur cinq ne mange pas à sa faim.

Le mal-logement est partout, alors que tant d’appartements demeurent vacants. Communiquer ne suffit pas pour éteindre l’insupportable.

Ce devoir ne sera pas négligé, étudié depuis des mois, nous nous investissons pour trouver des réponses crédibles et urgentes.

Notre Pays a vécu un moment enthousiaste avec les jeux Olympiques et para Olympiques, prémices d’une cohésion dont nous avons bien besoin.

Cette flamme qui a éclairé les cœurs et les esprits ne pourrait-elle pas se prolonger.

Comment ?

En donnant un peu de temps à ceux pour qui le temps est un ennemi, jusqu’à penser qu’ils n’ont aucun avenir, tant les détresses ont construit des enfermements destructeurs de l’estime de soi.

Agir ne demande pas seulement des moyens financiers, mais d’abord une générosité de son temps pour entendre, écouter ceux qui ne le sont pas. Les voici alors étonnés de voir qu’ils ne sont pas tenus pour rien, demandant sur le ton de la confidence, traduisant une confiance : « pourquoi vous vous intéressez à moi ».

Il n’y a pas de réponse, ils sont eux avec leur histoire que nous n’avons pas à juger, mais à aider pour qu’ils puissent entrevoir un nouveau chemin.

Une cordée, alors, se dessine, les précipices laissent place aux sommets. Seront-ils atteints, qu’importe, le sujet est de tourner le dos résolument aux abîmes.

Sur ce chemin, la boussole a un nom, la fraternité, jamais indifférente à l’accompagnement, signe de relations ou chacun, tour-à-tour, prend goût à cette aventure qui, un jour, opère une singulière lumière pour voir autrement. Les regards sont transformés.

Certes, les défis sont de taille, mais la détermination de chacun à les relever donne l’énergie et l’enthousiasme pour y parvenir.

A toutes et tous, bonne rentrée.

Bernard Devert

Septembre 2024

D’une indignation juste à une mobilisation, pour atténuer la violence de l’injustice

A partir de l’augmentation d’une taxe sur les carburants, nombre d’automobilistes ont revêtu un gilet jaune, soulignant combien l’impôt pouvait être anxiogène, d’où des désordres qui n’ont pas manqué avec l’occupation de péages et de ronds-points, puis de graves violences sur les personnes et les biens.

Des symboles de la République ont été saccagés, comme l’Arc-de-Triomphe, non par des membres des gilets jaunes mais par des casseurs, triomphant dans le désordre pour n’avoir d’autres préoccupations que de briser, violenter les forces de l’ordre, voire les assassiner s’ils l’avaient pu.

Reconnaissons que triomphe aussi ‑ ce qui ne justifie pas les exactions – cette folie de l’accumulation des biens et ce « vouloir gagner toujours plus », alors que tant de nos concitoyens sont victimes de ressources ne leur permettant pas de vivre décemment.

Ce constat, reconnu enfin au plus haut niveau de l’Etat, témoigne d’un système à bout de souffle, une forme de faillite nécessitant de remettre du sens et du bon sens dans les relations si nous ne voulons pas que cela se termine mal, c’est-à-dire, sens dessus-dessous.

La colère de notre peuple ne rejoint-elle pas celle du prophète Isaïe 22,23 : « Tes chefs sont rebelles et complices des voleurs ; tous aiment les présents et courent après les récompenses ; Ils ne font pas droit à l’orphelin et la cause de la veuve ne vient pas jusqu’à eux ».

Sur une grande chaîne d’information en continu, la Ministre de l’égalité des femmes et des hommes, lors d’un débat avec des représentants des Gilets jaunes soulignait les avancées du Gouvernement.

Ainsi, dit-elle, dans les quartiers difficiles un petit déjeuner est servi aux enfants scolarisés, rappelant l’adage « ventre affamé n’a pas d’oreilles ». Ce n’est pas l’aumône que nous demandons, répondit cette jeune maman, mais les moyens de vivre décemment pour offrir à nos enfants ces déjeuners. Un des enjeux du mécontentement était posé, celui du respect et de la dignité dus à chacun.

Ce 10 décembre, le Président de la République, sorti de son silence un peu tardivement, annonce des mesures évaluées à hauteur de 12 à 13 Md€ ; d’aucuns ne manqueront pas de regretter qu’il ait fallu la violence pour s’inquiéter de l’équité. Comme est difficilement déboulonnable l’idole « Mammon » !

Pour que cette crise sociale ne revête pas un caractère institutionnel, le Président de la République a décrété fort justement « l’état d’urgence économique et sociale ».

L’expression n’est pas banale ; elle traduit la reconnaissance d’une situation devenue dangereuse et inacceptable, appelant une réflexion et une inflexion politique pour mettre en œuvre les changements nécessaires sécurisant la paix sociale. La colère des manifestants est « juste à bien des égards », reconnaissait le Chef de l’Etat dans son allocution.

L’état d’urgence se définit comme un régime exceptionnel, mis en place par un gouvernement en cas d’atteinte à l’ordre public, de troubles graves, ou de calamités nationales.

Il est une avancée que l’injustice soit enfin considérée pour ce qu’elle est : un malheur. Il appartient à tous de l’effacer en veillant à ce que soient associés aux réformes tous les membres de la communauté nationale. C’est à cette condition que sera dissipé ce ressenti, largement exprimé, du mépris de ne pouvoir participer à l’avenir du Pays.

Cette exigence éthique ne viendrait-elle pas aider à faire d’un mal un bien.

 

Bernard Devert

Décembre 2018

Ce mal-logement qui tue

Que de patience coupable face au mal-logement !

Dénoncé depuis des décennies, ce « cancer » social fait l’objet seulement de soins palliatifs. Quelle est la volonté d’en finir avec une souffrance qui ronge la Société, jusqu’à créer des fractures. D’un côté, ceux qui bénéficient d’un habitat et de l’autre, d’un abri compromettant l’avenir des occupants.

La colère gronde à Marseille avec l’effondrement de trois immeubles, rue d’Aubagne, ayant entraîné la mort de 5 résidents. 3 autres sont portés disparus ; grande est l’inquiétude. L’insalubrité pourtant était connue mais aucune précipitation pour éloigner du danger les plus vulnérables.

L’affaissement de ces bâtiments crée une légitime émotion ; elle doit être entendue comme un réveil des responsabilités. Arrêtons de jouer avec la vie de ceux qui sont les plus fragiles.

Le mal-logement est cause de morts physiques. Quelle attention portée aux morts de la rue ! Ils ne courent le risque d’aucun effondrement pour être abandonnés sur des trottoirs, par tous les temps, sans que la Nation soit effondrée par une telle injustice.

Nous tenons dans nos mains les linceuls d’une fraternité déchirée pour tolérer l’intolérable, des morts annoncés. Quand réaliserons-nous enfin des programmes en nombre suffisant mettant un terme à un sans-abrisme honteux. Il est le nôtre.

A la va-vite, à chacun des hivers, s’ouvrent des gymnases dans lesquels s’entassent les délaissés et rejetés d’une Société plus attentive au thermomètre qu’à la santé de ses ressortissants bravant les intempéries. Que fait-on de cette obligation juridique et morale d’un logement décent pour tous.

Assez facile de parler du ‘logement d’abord’, il convient d’abord de prendre acte de la nécessité de construire des logements décents, délivrés des marquages sociaux, accessibles à chacun en fonction de ses revenus.

Le mal-logement tue aussi moralement nombre de nos concitoyens oubliés dans des cités anxiogènes. Bon sang ! L’habitat est constitué de fenêtres ; comment accepter que leur ouverture ait pour conséquence d’abîmer des regards. Tristesse du mal vivre de ceux qui, séjournant dans ces lieux, ne se font aucune illusion sur l’intérêt qui leur est témoigné.

Consentir à l’indignité d’un toit, c’est dire à celui qui l’occupe par nécessité : tu ne comptes pas ou si peu.

Ce drame à Marseille intervient au cours de cette semaine de l’économie solidaire. Une forme d’économie qui connaît un certain effondrement, l’Etat lui retirant une part des dispositifs fiscaux. Comment se faire entendre sur la pertinence de leur maintien. Non, ils ne sont pas des avantages, appelés si injustement des niches, mais des soutiens nécessaires pour bâtir plus humain.

Faut-il que la vie disparaisse pour comprendre que l’habitat est un écrin qui l’accueille et la protège, mais pour qui ?

Bernard Devert

Novembre 2018

 

Ne laissons pas migrer que les réfugiés ou demandeurs d’asile sont violents !

Calais, ville blessée par la violence qui continue de sévir alors, que la « jungle » fut démantelée dans des délais et conditions honorant ceux qui s’en sont inquiétés.

L’opinion pense que la barbarie est celle des migrants alors qu’ils sont violentés par de tristes et fourbes passeurs, laissant miroiter à des êtres, au bout du bout de l’espoir, qu’il leur suffisait d’atteindre Calais pour rejoindre le nouveau monde : l’Angleterre.migrants

Seulement le Chanel n’est pas la chance d’une terre promise, la promesse s’avérant aussi tragiquement vaine qu’onéreuse.

Quatre jeunes migrants venus de pays lointains et inhospitaliers se trouvent depuis quelques jours dans un pôle de réanimation entre la vie et la mort.

Les armes à feu ont parlé. Les passeurs jouent la division et la terreur pour faire passer la responsabilité à des êtres démunis, confrontés au désarroi d’un avenir qui s’effondre.

Face à cette petite horde que sont ces passeurs ne laissons pas croire que les migrants sont coupables avec comme complices ceux qui les protègent. Un comble d’iniquité.

Inacceptable de laisser une telle injustice se perpétuer ; il faut mettre dehors ces réseaux mafieux sans foi, ni loi, qui utilisent la plus grande misère pour s’enrichir.

La crise migratoire connaît déjà trop d’incompréhensions, de calomnies pour qu’elle soit encore entachée du sordide.

Bernard Devert

Février 2018

Jeu et hors jeu, les limites d’une ouverture à Caluire

Tout commença, ou selon, se poursuivit avec la décision de M. Philippe Cochet, Député-Maire, visant à mettre hors jeu la construction d’un projet social initié par les Sœurs Clarisses sur leur propriété à Vassieux, en lien avec Habitat et Humanisme.

Jouant la protection, le Maire mis sur la touche ce projet pour lui préférer une aire de jeux dans un environnement qui n’en manque pas.

Hors jeu les règles d’urbanisme votées par l’agglomération. Caluire jouerait-elle « perso » ?

Seulement c’était oublier la détermination de l’Abbesse, Sœur Marie, qui pour être sur un terrain spirituel et donc très humain, refusa cette décision arbitraire rappelant que « l’enfer c’est s’appartenir ».

Les Sœurs marquèrent un premier essai. Si la partie demeure incertaine, elle gagne en intensité.

Des caluirards ont proposé un autre jeu avec une petite équipe emmenée par Etienne Boursey, forte de 1 000 supporters (signature à guichet ouvert).

Lors du Conseil Municipal de ce lundi 2 juillet, l’élu écologique essuya une « volée de bois vert » de la part du Maire qui lui demanda de démissionner. Hors jeu au motif de déshonorer la commune pour soutenir l’accueil de « manants ».

Il est temps de siffler la fin de partie pour revenir sur un terrain plus solidaire. Il est de ces matchs où l’on se retrouve pour la joie d’une cause. Une telle partie est attendue, les joueurs sont tous meilleurs qu’ils ne l’ont laissé paraître.

Bernard Devert

Le blocage des loyers, un marché du logement sous surveillance

Tout blocage est symptôme d’une crise.

L’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne relève qu’en 2011 les loyers ont progressé de 6 % dans le cadre des opérations de relocation, alors que l’Indice de Révision des Loyers (I.R.L.) traduit une progression, sur cette même période, de 1,7 %.

Comment ne pas agir, sauf à rester indifférents à la souffrance sociale dont le mal logement n’est qu’un des signes.

Le logement est un bien primaire qui mérite qu’on le protège contre la spéculation que trop souvent il autorise. La pierre, une « valeur refuge », mais ne marchons-nous pas sur la tête pour observer un renversement des priorités : des finances abritées alors que des centaines de milliers de familles n’ont pas de toit.

Les marchés sont si enfiévrés dans les territoires tendus qu’on assiste à un délire au point que l’exclusion progresse pour atteindre désormais les classes moyennes. La ville exclut. Ne nous résignons pas, il nous appartient d’en supprimer les causes.

Si le diagnostic est facile à établir, le traitement à mettre en œuvre est plus délicat attendu les effets collatéraux à commencer par « l’anémie », non pas des prix, mais du nombre de constructions à un moment où, le dispositif Scellier s’effaçant, les dépôts des permis de construire ont déjà sensiblement baissés. Il faut impérativement construire plus en se posant la question : pour qui ? La hiérarchisation des priorités dans leur rapport à l’éthique revêt une singulière urgence.

Comment parvenir à une économie maîtrisée ?

La réponse ne devrait-elle pas être recherchée dans une accélération du processus de l’épargne solidaire, laquelle représente déjà 3 Mds 548  M € dont 2,5 Mds € au titre de l’épargne salariale solidaire, sachant que seuls 6 % de cette dernière capitalisation sont investis dans les PME solidaires (la limite étant de 10 %).
Une ouverture est possible avec les contrats d’assurance-vie dont l’encours est de 1 400 milliards d’euros. A l’instar de l’épargne salariale, il serait judicieux qu’ils présentent une part solidaire. Une telle orientation modifierait considérablement la donne de la solidarité dès lors qu’une fraction de cette épargne serait dirigée vers des foncières solidaires pour que les acteurs du logement social disposent d’un usufruit, facilitant des programmes abordables à forte connotation de mixité.

Quand on sait que des loyers d’insertion à 5 € du m² sont encore trop élevés pour les plus pauvres au point que leur reste « à vivre » relève de la survie, qui restera sourd à un changement de paradigme de l’économie du logement.

Ce palliatif social que représente le blocage partiel des loyers doit être suivi d’un traitement libérant l’économie du logement de ses non sens en insérant une trace de gratuité qui, seule, débloquera les relations.

Utopie diront certains, ou encore chimère, mais cette trace de gratuité n’est-elle pas précisément la définition de l’épargne solidaire permettant une économie plus humanisée. L’heure est de lui offrir les chances d’un périmètre plus large.

Bernard Devert
juin 2012