L’entraide en attente d’une plus grande attention de l’économie sociale et solidaire

Notre Société traverse bien des difficultés qui, sur le plan médiatique, sont reprises constamment. Inutile de les rappeler. Il en est une qui mériterait plus d’attention pour concerner les ruptures, voire les déchirures du tissu social ; d’un côté, ceux qui concourent à la vie de la Société bénéficient d’une responsabilité et de l’autre, ceux en perte d’autonomie s’interrogent sur leur avenir jusqu’à se demander : « quelle place peut être la nôtre ».

Il nous faut veiller au fait que la pauvreté n’est pas seulement monétaire ; elle a bien des aspects : l’absence de reconnaissance, la mise à distance dont le logement est un des syndromes, bien nommé lorsqu’il est question des quartiers perdus pour la République et naturellement l’isolement aux conséquences dévastatrices pour ne point être étranger à bien des addictions, parfois des violences.

Autant de situations qui font que l’avenir est sombre, d’où un désespoir plus profond qu’imaginé ou pensé.

L’urgence est de reconstruire des signes de fraternité qui, lorsqu’ils trouvent place, interrogent inévitablement les iniquités et par voie de conséquence la liberté qui n’est jamais indifférente à la dignité.

Il m’est agréable de vous partager les mots de Suzanne, une personne qui, au soir d’une vie très longue pour être centenaire, regarde avec lucidité l’avenir ; elle voit bien ce qui le détruit pour les plus fragiles, mais aussi l’audace et l’enthousiasme que nous devons habiter pour changer ce qui doit l’être.

L’écriture est tremblante, mais elle ne tremble pas sur le fait que notre Société ne crée pas les fondations donnant une chance à l’équité. Elle accompagne sa parole d’un chèque pour investir dans le champ de l’économie solidaire, convaincue que cette forme d’économie porte en elle les germes d’une formidable fraternité.

Pourquoi donc, me dit-elle, êtes-vous si timide pour ne pas parvenir à mobiliser des centaines de milliers de personnes, voire plus, qui accepteraient d’investir dans vos foncières, justes quant à leur finalité mais insuffisamment efficientes faute de pouvoir drainer une épargne en capacité de changer la donne.

Ces mots que vous écoutez sur des ondes ou dans des espaces qui s’ouvrent sur ce supplément d’âme ne peuvent pas vous laisser indifférents. Suzanne a raison, il faut aller plus loin pour que ces entreprises à mission – l’expression n’est pas un hasard – soient au cœur de ces lieux où l’on souffre pour offrir des liens qui permettent d’en sortir.

L’investissement au sein d’Entreprendre pour Humaniser la Dépendance, le nom de l’entreprise signe son objet social, est porté par un peu plus de 5 000 personnes qui ont permis la création de résidences autonomie, de maisons médicalisées pour nos grands aînés en souffrance physique, psychique et sociale, mais aussi en offrant des logements à des soignants pour les rapprocher des hôpitaux et des maisons de soins, ainsi qu’à des étudiants sachant qu’actuellement un sur cinq se prive de repas pour supporter des loyers inadaptés aux ressources.

La part a une valeur de 20 € ; la souscription peut être multipliée en fonction de ses possibilités, sachant que l’Etat, ce qui est juste, offre une réduction d’impôts sur le revenu dans la limite d’un plafonnement de 10 000 € par an et par foyer.

Imaginons que 1 000, 10 000, 100 000 nouvelles personnes concourent à cette économie qui embrasse cœur et rigueur, alors c’est un nouveau souffle qui se fait jour pour lutter contre les discriminations et rejeter les détresses.

Cette promesse est réalisable dès lors que nous acceptons de poser sur autrui un regard pacifié qui fait de lui un cadeau plutôt qu’un fardeau, pour reprendre les mots du poète Francine Carrillo.

N’hésitez pas à me joindre : b.devert@habitat-humanisme.org

Investir solidaire dans la Foncière Entreprendre pour Humaniser la Dépendance

Il y eut un appel le 18 juin. Il est aujourd’hui un autre appel à entendre

Ce 6 juin, nous célébrions le 80ème anniversaire du débarquement, ce jour le plus long pour avoir fait reculer la nuit dans laquelle était plongée notre Pays occupé par des barbares.

Le jaillissement de l’espoir que suscita le débarquement est consubstantiellement lié à l’engagement, 4 ans plus tôt du Général de Gaulle qui, isolé de Londres, appela les forces vives à ne point capituler pour ne point pactiser avec le déshonneur.

Que pouvait représenter l’appel du 18 juin face à des forces d’occupation sans foi, ni loi, n’ayant d’autres ambitions que d’imposer une tyrannie nourrie par des pensées aussi sordides que funestes.

Avec cet appel commence l’histoire de la libération qui porte magnifiquement et si justement le nom de résistance, traduisant une volonté inflexible portée par des femmes et des hommes qui surent, au prix de leur vie, tisser des liens suscitant des lieux où l’espoir prenait place.

Une nouvelle fois, la résistance soulignait que, seul, ce qui est juste est fort. Cette reconnaissance alors emporte l’adhésion de l’esprit et des cœurs pour défendre les valeurs de notre civilisation.

Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » écrit : « l’individu n’est qu’une route, l’Homme qui l’empreinte compte seul ».

L’homme avec un grand « H », voici ce que furent ces résistants qui, à l’écoute de cet appel traversant les ondes, souffla sur les braises de la liberté. L’ennemi ne pouvait en prendre la mesure si défait dans son humanité par la brutalité qui l’habitait.

Cet appel, clair et vaillant, fut entendu comme le déjà là d’une liberté ouvrant sur le grand large. Immédiatement, s’ensuivit une grande vague couvrant les bassesses et parfois les détresses morales qu’instrumentalisa l’occupant pour disposer de soutiens actifs ou passifs d’une fraction de la population et surtout de nos gouvernants.

L’appel du 18 juin, une voix et une voie.

Une voix que rien ne pourra faire taire ; auréolée d’une lumière du déjà-là de la victoire. Les combattants de l’ombre, fussent-ils tyrannisés et martyrisés, emportèrent avec eux, dans le silence, le secret de ce qui les faisait vivre pour que d’autres vivent.

Une voie qui ouvrit des chemins convergeant vers la libération, finalité de toutes ces actions portées par un appel qui, au fil des mois, loin de perdre de son enthousiasme, gagna les cœurs et les esprits, jusqu’à ce jour qui lava l’infamie, parce qu’un jour, un 18 juin, un homme s’était levé pour prononcer un appel lucide, éclairé par le courage et l’honneur.

Aujourd’hui, dans les moments difficiles quelques peu chaotiques que nous traversons, un appel se fait entendre ; il n’est pas celui de l’homme du 18 juin, mais il ne lui est pas indifférent pour s’inscrire dans une participation aux fruits de la Société dont trop sont oubliés pour être à part, jusqu’à n’avoir point de toit ou ne pouvoir vivre que dans des hébergements. Ils sont si nombreux !

Le possible de cet appel, s’il est entendu, est lié au fait que nous sommes dans une démocratie ; protégeons-là, essayant de poser un regard sur l’autre, les autres en ne les considérant pas comme un fardeau, mais comme un cadeau.

Libérer, c’est toujours humaniser.

Bernard Devert

Juin 2024

Conjuguons essentiel et existentiel, deux clés pour s’ouvrir à la solidarité

Les chiffres parlent, 102 000 foyers reconnus éligibles au DALO sont depuis 2008 en attente d’un logement. 16 années !

Que peut-on bâtir lorsque l’espoir est constamment déçu, d’où un ressenti amer de n’être rien ou si peu. A la perte de confiance de soi s’ajoute celle à l’égard des Institutions pour être sourdes à la détresse des plus vulnérables.

Le Haut Comité pour le Logement met l’accent sur la situation des « travailleurs essentiels » qui constituent en grande partie – et je cite – dans la population, les ménages reconnus au titre du DALO et des publics prioritaires.

Qui sont ces « travailleurs essentiels » : des acteurs de soins et de l’hygiène dans nos villes et tous ceux qui veillent et concourent à mettre en œuvre ce qui est nécessaire aux besoins de la population.

Lors de la crise sanitaire, alors que sonnait l’appel à rester chez soi aux fins de se protéger de ce virus, jusque-là inconnu, les « travailleurs essentiels » ont assumé avec panache leur engagement. Que de fenêtres s’ouvrirent pour une fête inattendue, ô combien justifiée, témoignant d’une reconnaissance authentique, accompagnée de la promesse que, désormais, ils ne seront plus oubliés.

Dans ce moment difficile, l’exigence de justice et de fraternité s’est emparée des esprits.

La crise passée, il y eut bien ici-et-là quelques améliorations, prenant conscience qu’il était difficile de demander à ceux qui avaient pris soin de nous, de ne point prendre soin d’eux.

Le point sur la situation du DALO marque combien ces « acteurs essentiels » sont encore sur le pavé, en attente d’un toit en raison d’une économie du logement, essentiellement orientée et encadrée par la logique du marché.

Allons-nous continuer à lui laisser la main, bride abattue. Certes, le marché l’est actuellement même si les prix demeurent élevés au point que le coût du logement vient empiéter, pour les plus fragiles, sur une part essentielle de leur budget, d’où un reste pour vivre trop souvent indécent.

Loger ou habiter, tel est le choix ; il est interdit pour les plus vulnérables qui doivent se contenter de ces lieux où rien n’a lieu pour être privés de cette source qu’est l’intimité, ce chez soi sans lequel il est difficile d’être soi.

Les chiffres parlent ; ils disent la souffrance des uns, l’indifférence des autres et, sans nul doute, l’urgente nécessité de repenser l’économie du logement en l’arrachant à la dimension spéculative si blessante pour la cohésion sociale.

Dans ces moments où la maladie s’approche, qui ne regrette pas de voir les soignants, ces « travailleurs essentiels », n’ayant d’autres possibilités que de se loger loin de là où ils s’investissent professionnellement. S’éveille, en ces heures, la lucidité d’une perte de la fraternité si nécessaire pour faire société laquelle, ne nous payons pas de mots, ne surgit que si nous acceptons de nous reconnaître dépendants de l’autre, des autres.

Cette dépendance est au cœur du soin et du prendre soin, cette approche du care, de ce meilleur qui, seul, converge vers l’essentiel. Si nous le retenions dans l’acte de construire, nul doute que la Cité en serait transformée.

Le DALO, ce droit opposable, vient s’opposer à ces inessentiels si encombrants ne nous interrogerait-il pas, de par ses résultats, à nous demander, comment aller plus loin pour être plus humain. Là, s’éveille l’inattendu d’une recherche existentielle qui a sa part d’essentiel ; ne la désertons pas.

Bernard Devert

Et si nous acceptions d’interroger nos engagements à la lumière de la solidarité.

J’ai le sentiment d’avancer comme un âne, pour ne point parvenir à faire bouger quelques lignes qui aligneraient deux planètes, celle des propriétaires de logements vacants et celle des personnes à la recherche d’un toit.

D’aucuns diront que, sans être à mille lieues, elles restent très éloignées. Est-ce si sûr ? Il nous appartient de ne point nous enfermer dans ce que nous nommons trop facilement le réel, cette chape permettant de prendre la tangente. Aussi, donnons-nous les moyens de rapprocher des lieux pour qu’ils donnent lieu à un autrement. Une utopie ? Si oui, faisons-là exister.

Ce possible, je l’ai évoqué dans de précédentes chroniques. Puis-je rappeler ma disponibilité pour m’en entretenir de vive voix ou par courriel. Quel intérêt de laisser un appartement vacant, toutes portes verrouillées. Inquiétude de prendre des risques ou peur de se trouver en difficulté en raison des travaux à supporter, attendu les normes à respecter, lesquelles effectivement ne sauraient être sous-estimées.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que la solidarité c’est l’affaire des autres. Elle est la nôtre, celle d’Habitat et Humanisme. L’association se donne comme exigence éthique de ne pas dénoncer – c’est tellement facile –mais d’énoncer des propositions concrètes qui changent la donne.

En un mot, comme en cent, nous participerons, comme nous le faisons déjà, mais insuffisamment, en prenant en charge les travaux. Vous, propriétaires de ces biens qui s’abiment physiquement, confiez-nous-en la gestion. Vous n’avez aucun intérêt à ce que cette vacance perdure.

Pour quelle durée cette mise à disposition ? Celle nécessaire et suffisante aux fins de retrouver les fonds propres investis. Le loyer sera celui du logement social, nous pouvons aussi être votre locataire.

Une condition, ce bien doit être situé en ville ou dans une métropole.

Il y a huit jours nous célébrions la Pentecôte qui annihile le mythe de Babel où les mêmes restaient entre eux, se mettant à distance des plus fragiles, rejetés dans un ailleurs. Il prend désormais figure de ces tentes par milliers qui jonchent les trottoirs de nos villes alors que des logements, 320 000, sont vacants au sein des grandes agglomérations.

Ce constat est terrifiant. Insuffisantes, les indignations ; avec vous réduisons cette iniquité et même cette aberration.  

Ensemble, agissons au cœur de ce programme sachant que vous pouvez décider de vendre votre bien vacant, ou mieux de faire un apport à titre onéreux à notre foncière solidaire. Vous bénéficierez d’un avantage fiscal de 25% de sa valeur en gardant la propriété sous forme de parts solidaires, libérés ainsi de nombreuses contraintes. 

Conjointement, prenons la main sur le marché pour qu’il y ait un demain plus humain. Mon propos n’est pas celui du don qui trouve toute sa place, mais il s’agit ici d’un investissement où l’intérêt se laisse interroger par celui de l’autre, des autres.

Je me permettrai de citer le Pape François. Il note son inquiétude face à l’augmentation de l’indifférence égoïste qui fait que chacun ne s’intéresse qu’à ce qui est bon pour lui. Tout va bien, si cela va bien pour moi et quand quelque chose ne va pas, ajoute-t-il, c’est un déchaînement de colère.

L’encyclopédiste Denis Diderot ne disait-il pas : je veux être heureux mais je veux que les autres le soient aussi. Quelle sagesse et quelle ouverture, ensemble partageons les.

Au début de cette chronique, j’évoquais l’âne, symbolique de l’humilité. Peut-être serez-vous peu nombreux à répondre à cette proposition, mais si vous la retenez, elle permettra d’avancer.

Bernard Devert

Mai 2024

Des biens pour un plus grand Bien

Quels biens pour quels liens?

Des logements vacants (plus de 400 000 en France) alors que des familles n’ont pas de toit ; 600 000 enfants en France sont victimes du mal logement.

Inutile et souvent injuste de brandir l’anathème. Nombre de propriétaires n’ont pas toujours les ressources pour les mises aux normes et, pour être isolés ou âgés, ne savent pas comment s’y prendre pour offrir à leur logement une juste destination. Des biens pour un plus grand Bien, telle est notre mobilisation pour que la propriété rime avec la solidarité.

Une solidarité à construire, à charge pour Habitat et Humanisme de :

  • rechercher les aides, subventions, prêts et préparer les dossiers administratifs et fiscaux sachant que les avantages sont réels,
  • suivre les travaux pour les mises aux normes notamment énergétiques, entraînant une valorisation du patrimoine et une diminution des charges ; Propriétaires et locataires sont alors bénéficiaires de cet engagement solidaire.

Le temps de l’Avent n’est-il pas celui où il faut nous aventurer vers plus de solidarité.

  • ‘A’ comme avenir :
    Avenir de ces enfants qui subissent une double peine : un aujourd’hui difficile (promiscuité, hébergement insalubre) et un demain compromis.
  • ‘A’ comme attention :
    Attention à la précarité appelant une ardente volonté de la faire reculer.
  • ‘A’ comme accueillir :
    Offrir un espace où l’inattendu devient le temps de l’espérance.

Oui vraiment, qui peut rester indifférent ; accueillir le Bien pour mettre les biens à leur juste place.