Il y eut un appel le 18 juin. Il est aujourd’hui un autre appel à entendre

Ce 6 juin, nous célébrions le 80ème anniversaire du débarquement, ce jour le plus long pour avoir fait reculer la nuit dans laquelle était plongée notre Pays occupé par des barbares.

Le jaillissement de l’espoir que suscita le débarquement est consubstantiellement lié à l’engagement, 4 ans plus tôt du Général de Gaulle qui, isolé de Londres, appela les forces vives à ne point capituler pour ne point pactiser avec le déshonneur.

Que pouvait représenter l’appel du 18 juin face à des forces d’occupation sans foi, ni loi, n’ayant d’autres ambitions que d’imposer une tyrannie nourrie par des pensées aussi sordides que funestes.

Avec cet appel commence l’histoire de la libération qui porte magnifiquement et si justement le nom de résistance, traduisant une volonté inflexible portée par des femmes et des hommes qui surent, au prix de leur vie, tisser des liens suscitant des lieux où l’espoir prenait place.

Une nouvelle fois, la résistance soulignait que, seul, ce qui est juste est fort. Cette reconnaissance alors emporte l’adhésion de l’esprit et des cœurs pour défendre les valeurs de notre civilisation.

Saint-Exupéry dans « Pilote de guerre » écrit : « l’individu n’est qu’une route, l’Homme qui l’empreinte compte seul ».

L’homme avec un grand « H », voici ce que furent ces résistants qui, à l’écoute de cet appel traversant les ondes, souffla sur les braises de la liberté. L’ennemi ne pouvait en prendre la mesure si défait dans son humanité par la brutalité qui l’habitait.

Cet appel, clair et vaillant, fut entendu comme le déjà là d’une liberté ouvrant sur le grand large. Immédiatement, s’ensuivit une grande vague couvrant les bassesses et parfois les détresses morales qu’instrumentalisa l’occupant pour disposer de soutiens actifs ou passifs d’une fraction de la population et surtout de nos gouvernants.

L’appel du 18 juin, une voix et une voie.

Une voix que rien ne pourra faire taire ; auréolée d’une lumière du déjà-là de la victoire. Les combattants de l’ombre, fussent-ils tyrannisés et martyrisés, emportèrent avec eux, dans le silence, le secret de ce qui les faisait vivre pour que d’autres vivent.

Une voie qui ouvrit des chemins convergeant vers la libération, finalité de toutes ces actions portées par un appel qui, au fil des mois, loin de perdre de son enthousiasme, gagna les cœurs et les esprits, jusqu’à ce jour qui lava l’infamie, parce qu’un jour, un 18 juin, un homme s’était levé pour prononcer un appel lucide, éclairé par le courage et l’honneur.

Aujourd’hui, dans les moments difficiles quelques peu chaotiques que nous traversons, un appel se fait entendre ; il n’est pas celui de l’homme du 18 juin, mais il ne lui est pas indifférent pour s’inscrire dans une participation aux fruits de la Société dont trop sont oubliés pour être à part, jusqu’à n’avoir point de toit ou ne pouvoir vivre que dans des hébergements. Ils sont si nombreux !

Le possible de cet appel, s’il est entendu, est lié au fait que nous sommes dans une démocratie ; protégeons-là, essayant de poser un regard sur l’autre, les autres en ne les considérant pas comme un fardeau, mais comme un cadeau.

Libérer, c’est toujours humaniser.

Bernard Devert

Juin 2024

La fraternité, un risque à courir

Ce mois de juin est celui des Assemblées Générales, mais aussi d’anniversaires de nombreuses associations constitutives du Mouvement Habitat et Humanisme, 59 aujourd’hui !

Il y a quelques jours, c’était celui d’H&H Loire-Atlantique née à Nantes, il y a 30 ans.

Ce temps festif s’est ouvert par un chant choral repris par toute l’Assemblée, témoignant ainsi de sa volonté d’être un espace d’harmonie. La présence des cinq présidents successifs qui ont animé l’association confortait singulièrement cette recherche.

Les dirigeants qui ont animé l’association et ceux naturellement qui ont pris le relais, tous étaient présents. Ces liens de continuité faits d’amitié en disent long sur la fraternité qui, vécue à l’intérieur même de l’association, donne cet élan audacieux pour la vivre hors-les-murs.

Comme il était agréable d’entendre relater ces moments forts au cours de ces 30 années. Autant de récits de vie émanant de bâtisseurs qui se sont refusé à supporter l’inacceptable qu’est l’absence d’un toit.

Les difficultés n’ont pas manqué, mais elles furent traversées par des initiatives entrepreneuriales portées par des générosités. Toujours, elles bousculent, mais aussi conduisent à déserter le repli de soi pour aller vers l’autre-soi.

Un grand moment fut celui du spectacle. Le support était une simple scène sans goût, ni grâce. Trois hommes y montèrent, rejoignant des barrières, celles qu’on trouve parfois pour protéger, plus souvent pour interdire l’accès à des espaces au sein desquels, seuls, les grands trouvent place.

Magnifique symbolique de notre Mouvement dont la mission est de déplacer les barrières, voire si possible les supprimer.

Ces trois acteurs jouaient avec ces barrières et même se jouaient d’elles avec une telle dextérité qu’elles perdaient toute possibilité de séparer, devenant alors des échelles au service de ceux qui gravissent vers des sommets, signes de liberté.

Ces hommes libérés étaient « libérants ». L’assemblée ne s’est pas trompée pour s’être laissée habiter, emportée par cette allégorie riche de synergies que l’association entend mieux développer.

Puis-je vous avouer qu’en regardant ce spectacle, je n’ai pu m’empêcher de voir ces murs qui enferment se lézarder, parfois s’écrouler et quand ils résistent se fait jour la trace d’une ouverture annonciatrice d’un autrement qui se dessine.

Quelle justesse ce trentième anniversaire. Les bougies, je ne les ai pas vues, mais j’ai perçu bien mieux, des braises sur lesquelles ont soufflé un vent d’amitié et de reconnaissance de ce qui a été entrepris, sans donner de leçons.

Ce qui construit Habitat et Humanisme et continue à la faire vivre, ce sont des rencontres. Apparemment banales, mais elles laissent une telle empreinte qu’elle sont une première marche où s’entend cet appel à aller plus loin, pour « faire société », donnant à chacun, quelle que soit son histoire, la possibilité d’apporter sa contribution, reconnue comme pierre d’angle d’un idéal à construire.

Cet idéal n’est-il pas ce souffle qui donne corps et cœur à notre Mouvement, une espérance qui, ici et maintenant, appelle à le vivre comme un risque à courir ; quelle joie d’observer ce désir de le partager et, pour ce faire, de se rassembler.

Tout un programme pour ces semaines qui viennent.

Bernard Devert

Juin 2024

Notre Société s’endort, ne mériterait-elle pas un débarquement pour sauver ses valeurs

Il y a 80 ans, des hommes épris de liberté acceptaient de prendre tous les risques, à commencer par celui de donner leur vie pour chasser l’envahisseur de notre Pays.

L’ennemi s’était outrageusement installé, salissant nos murs de ses croix gammées, pour en gommer les valeurs de notre civilisation. Seulement, la culture de mort n’est pas et ne sera jamais celle de la France et de ses alliés.

Certes, les heures sombres n’ont pas manqué. L’esprit diabolique, qu’est le nazisme, s’est emparé d’hommes et de femmes pourtant cultivés qui, cédant aux illusions de la force, se sont éloignés de ce qui est juste jusqu’à collaborer.

Laissons-là le tragique de cette cupidité et de ces vilénies qui n’ont pas tenu et ne pouvaient pas tenir au regard du vent de résistance qui s’était levé, celui du courage et de l’honneur, aussi rien, absolument rien, ne pouvait l’arrêter.

Il y a 80 ans, un inattendu préparé avec soin par les forces libres, par là-même vitales, suscitait le « jour le plus long », mettant un terme à la nuit.

Aucun de ceux qui furent abattus lors du débarquement n’eurent les yeux fermés par la mort pour l’avoir acceptée et regardée en face ; ils l’avaient décapitée, tant ils étaient des vivants pour habiter le déjà-là d’un infini, brisant les finitudes.

Il nous faut, 80 ans plus tard, continuer à veiller pour être un peuple libre.

L’heure n’est-elle pas de s’embarquer résolument pour habiter une terre de fraternité ; il ne s’agit pas de la désirer, mais de la bâtir en partant à l’assaut de ces murailles et de ces frontières, loin d’être invisibles, tant elles mettent sur le pavé les plus fragiles. Ils sont si nombreux !

Déshumaniser, c’est faire violence à cette part inviolable de l’être qui a pour nom la dignité. Les nazis en étaient des maîtres.

Résister, c’est être libre, refusant que soit instrumentalisé l’étranger comme bouc émissaire de nos échecs et de nos difficultés.

Résister, c’est s’éloigner de ces idées où le nationalisme est présenté comme la sauvegarde de la Nation. N’est-elle pas une âme qui ne saurait être enfermée pour être source de vie.

Construire l’Europe, ce n’est pas renoncer à ce qui fait notre histoire, mais l’envisager comme la chance d’un monde plus unifié. Ici, nous trouvons les raisons de sauver cet essentiel qui nous sauve des petitesses, où le refus de l’autre trouve tant de refuges et d’alibis.

Il nous faut, 80 ans plus tard, être attentifs à la guerre en Europe que subit l’Ukraine, assaillie par un tyran justifiant l’inacceptable pour considérer les ukrainiens comme des nazis.

Il nous faut veiller pour faire société et par là-même débarquer, là où c’est nécessaire, pour rejeter l’indifférence, ce venin qui détruit l’humanisme.

Il y a 80 ans des hommes se sont levés pour que nous soyons libres.

Cette liberté a le prix des larmes, tant les deuils qu’elle a causés sont nombreux. Aussi le respect de l’histoire ne conduit pas seulement à se souvenir, mais à faire mémoire de cette vie donnée pour qu’à notre tour, nous risquions la nôtre afin que ne meurt pas notre civilisation.

Bernard Devert

Juin 2024

Conjuguons essentiel et existentiel, deux clés pour s’ouvrir à la solidarité

Les chiffres parlent, 102 000 foyers reconnus éligibles au DALO sont depuis 2008 en attente d’un logement. 16 années !

Que peut-on bâtir lorsque l’espoir est constamment déçu, d’où un ressenti amer de n’être rien ou si peu. A la perte de confiance de soi s’ajoute celle à l’égard des Institutions pour être sourdes à la détresse des plus vulnérables.

Le Haut Comité pour le Logement met l’accent sur la situation des « travailleurs essentiels » qui constituent en grande partie – et je cite – dans la population, les ménages reconnus au titre du DALO et des publics prioritaires.

Qui sont ces « travailleurs essentiels » : des acteurs de soins et de l’hygiène dans nos villes et tous ceux qui veillent et concourent à mettre en œuvre ce qui est nécessaire aux besoins de la population.

Lors de la crise sanitaire, alors que sonnait l’appel à rester chez soi aux fins de se protéger de ce virus, jusque-là inconnu, les « travailleurs essentiels » ont assumé avec panache leur engagement. Que de fenêtres s’ouvrirent pour une fête inattendue, ô combien justifiée, témoignant d’une reconnaissance authentique, accompagnée de la promesse que, désormais, ils ne seront plus oubliés.

Dans ce moment difficile, l’exigence de justice et de fraternité s’est emparée des esprits.

La crise passée, il y eut bien ici-et-là quelques améliorations, prenant conscience qu’il était difficile de demander à ceux qui avaient pris soin de nous, de ne point prendre soin d’eux.

Le point sur la situation du DALO marque combien ces « acteurs essentiels » sont encore sur le pavé, en attente d’un toit en raison d’une économie du logement, essentiellement orientée et encadrée par la logique du marché.

Allons-nous continuer à lui laisser la main, bride abattue. Certes, le marché l’est actuellement même si les prix demeurent élevés au point que le coût du logement vient empiéter, pour les plus fragiles, sur une part essentielle de leur budget, d’où un reste pour vivre trop souvent indécent.

Loger ou habiter, tel est le choix ; il est interdit pour les plus vulnérables qui doivent se contenter de ces lieux où rien n’a lieu pour être privés de cette source qu’est l’intimité, ce chez soi sans lequel il est difficile d’être soi.

Les chiffres parlent ; ils disent la souffrance des uns, l’indifférence des autres et, sans nul doute, l’urgente nécessité de repenser l’économie du logement en l’arrachant à la dimension spéculative si blessante pour la cohésion sociale.

Dans ces moments où la maladie s’approche, qui ne regrette pas de voir les soignants, ces « travailleurs essentiels », n’ayant d’autres possibilités que de se loger loin de là où ils s’investissent professionnellement. S’éveille, en ces heures, la lucidité d’une perte de la fraternité si nécessaire pour faire société laquelle, ne nous payons pas de mots, ne surgit que si nous acceptons de nous reconnaître dépendants de l’autre, des autres.

Cette dépendance est au cœur du soin et du prendre soin, cette approche du care, de ce meilleur qui, seul, converge vers l’essentiel. Si nous le retenions dans l’acte de construire, nul doute que la Cité en serait transformée.

Le DALO, ce droit opposable, vient s’opposer à ces inessentiels si encombrants ne nous interrogerait-il pas, de par ses résultats, à nous demander, comment aller plus loin pour être plus humain. Là, s’éveille l’inattendu d’une recherche existentielle qui a sa part d’essentiel ; ne la désertons pas.

Bernard Devert

Et si nous acceptions d’interroger nos engagements à la lumière de la solidarité.

J’ai le sentiment d’avancer comme un âne, pour ne point parvenir à faire bouger quelques lignes qui aligneraient deux planètes, celle des propriétaires de logements vacants et celle des personnes à la recherche d’un toit.

D’aucuns diront que, sans être à mille lieues, elles restent très éloignées. Est-ce si sûr ? Il nous appartient de ne point nous enfermer dans ce que nous nommons trop facilement le réel, cette chape permettant de prendre la tangente. Aussi, donnons-nous les moyens de rapprocher des lieux pour qu’ils donnent lieu à un autrement. Une utopie ? Si oui, faisons-là exister.

Ce possible, je l’ai évoqué dans de précédentes chroniques. Puis-je rappeler ma disponibilité pour m’en entretenir de vive voix ou par courriel. Quel intérêt de laisser un appartement vacant, toutes portes verrouillées. Inquiétude de prendre des risques ou peur de se trouver en difficulté en raison des travaux à supporter, attendu les normes à respecter, lesquelles effectivement ne sauraient être sous-estimées.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que la solidarité c’est l’affaire des autres. Elle est la nôtre, celle d’Habitat et Humanisme. L’association se donne comme exigence éthique de ne pas dénoncer – c’est tellement facile –mais d’énoncer des propositions concrètes qui changent la donne.

En un mot, comme en cent, nous participerons, comme nous le faisons déjà, mais insuffisamment, en prenant en charge les travaux. Vous, propriétaires de ces biens qui s’abiment physiquement, confiez-nous-en la gestion. Vous n’avez aucun intérêt à ce que cette vacance perdure.

Pour quelle durée cette mise à disposition ? Celle nécessaire et suffisante aux fins de retrouver les fonds propres investis. Le loyer sera celui du logement social, nous pouvons aussi être votre locataire.

Une condition, ce bien doit être situé en ville ou dans une métropole.

Il y a huit jours nous célébrions la Pentecôte qui annihile le mythe de Babel où les mêmes restaient entre eux, se mettant à distance des plus fragiles, rejetés dans un ailleurs. Il prend désormais figure de ces tentes par milliers qui jonchent les trottoirs de nos villes alors que des logements, 320 000, sont vacants au sein des grandes agglomérations.

Ce constat est terrifiant. Insuffisantes, les indignations ; avec vous réduisons cette iniquité et même cette aberration.  

Ensemble, agissons au cœur de ce programme sachant que vous pouvez décider de vendre votre bien vacant, ou mieux de faire un apport à titre onéreux à notre foncière solidaire. Vous bénéficierez d’un avantage fiscal de 25% de sa valeur en gardant la propriété sous forme de parts solidaires, libérés ainsi de nombreuses contraintes. 

Conjointement, prenons la main sur le marché pour qu’il y ait un demain plus humain. Mon propos n’est pas celui du don qui trouve toute sa place, mais il s’agit ici d’un investissement où l’intérêt se laisse interroger par celui de l’autre, des autres.

Je me permettrai de citer le Pape François. Il note son inquiétude face à l’augmentation de l’indifférence égoïste qui fait que chacun ne s’intéresse qu’à ce qui est bon pour lui. Tout va bien, si cela va bien pour moi et quand quelque chose ne va pas, ajoute-t-il, c’est un déchaînement de colère.

L’encyclopédiste Denis Diderot ne disait-il pas : je veux être heureux mais je veux que les autres le soient aussi. Quelle sagesse et quelle ouverture, ensemble partageons les.

Au début de cette chronique, j’évoquais l’âne, symbolique de l’humilité. Peut-être serez-vous peu nombreux à répondre à cette proposition, mais si vous la retenez, elle permettra d’avancer.

Bernard Devert

Mai 2024

Le carême, un temps pour faire face à ce qui détruit l’espérance. L’heure n’est pas vraiment celle des « faces de carême ».

Entrons joyeusement dans ce temps du Carême. L’expression peut apparaître étonnante, même déplacée, mais ce moment n’est-il pas celui de vivre une transformation intérieure pour non seulement lire les signes de résurrection, mais les vivre.

Les ‘faces de carême’ ne témoignent pas de la foi. L’acte de croire nous met face à nos obligations d’hommes et de femmes pour faire face à ce qui, en nous et autour de nous, déshumanise. L’espérance procède toujours d’une parole qui donne chair à un ‘autrement’.

C’est la vie qui importe pour Dieu. Elle est inscrite dès les premières pages de la Bible : « Qu’as tu fait de ton frère« . Cet appel est la clé d’un discernement, permettant, sans évasion ni illusion, de nous poser une autre question de la même veine : qu’as-tu fait de ton Père ?

Le plus humain rejoint le plus divin.

Le carême est un sentier. Il conduit à habiter, pour le moins s’approcher de la promesse ; la mort n’est pas supprimée, elle est traversée. Nous voici invités à un chemin de traverse au cours duquel nous nous éloignerons des inessentiels et des illusions, d’où l’appel au jeûne, non pour lui-même mais pour une plus vive attention au sens de la vie.

L’aumône n’est pas une fin en soi mais bien ce mouvement d’intériorité permettant d’habiter la Parole de Jésus : là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Comment ne pas donner, se donner en partageant du temps, de ses relations, de son épargne pour que celui qui n’a pas de place la trouve enfin.

Il ne s’agit pas seulement d’être solidaires mais d’être fraternels

La cordée est signe d’une solidarité : accepter de marcher sans abandonner le plus fragile. La fraternité va plus loin encore ; elle conduit à partir avec celui qui n’imaginait même pas pouvoir être invité. N’est-ce pas cela précisément le sens de l’aumône, ne point se détrourner de celui qui n’a rien ou si peu. Ton Père voit ce que tu fais dans le secret et te le revaudra.

Le réalisme spirituel du Christ ne nous autorise pas à nous évader des situations concrètes, de celles parfois si ‘moches’ que nous saisissons l’urgence de les changer, comprenant alors qu’il nous faut, pour ce faire, changer.

Aime et tu comprendras, dit Saint Augustin.

Pour comprendre, il faut entendre. N’est-ce pas ce temps de la prière, autre traversée à partir de laquelle le Seigneur nous appelle à prier avec Lui, comme il le demanda à ses disciples. La prière est souffle d’une libération. Alors vient le temps d’une disponibilité pour desceller nos barreaux invisibles, ces avoirs qui nous enferment dans une certaine quiétude et les savoirs nous donnant l’illusion d’un certain pouvoir.

Sur ce chemin de carême, nous irons avec le Christ au désert. Là, il entendit le ‘diabolos’ lui demander d’être davantage Dieu qu’homme. Jésus fait un choix, celui d’être avec nous, parmi nous.

Au diable, les fossoyeurs de l’incarnation ! Et nous, pendant ces quarante jours, qu’enverrons-nous au diable ?

Cette interrogation ne révélerait-elle pas ce qui se joue en ce temps de carême. Quelle magnifique aventure d’humanité ! Oui, vraiment la tristesse n’a pas sa place.

Bernard Devert

22 février 2023