La dignité est reconnue, la cohésion sociale se construit

La dignité est souvent en souffrance comme l’évoque Cynthia Fleury dans son livre : « l’humanisme est un soin » et son second ouvrage : « La clinique de la dignité ».

Reconnue, elle donne naissance à une sérénité et à des initiatives créatrices d’un autrement. Quel bonheur pour l’esprit ces opérations, comme cette pension de famille à Angers réalisée par Habitat et Humanisme Maine-et-Loire où 18 personnes bénéficient enfin d’une hospitalité, réparatrice de graves hostilités qu’elles ont subies.

La qualité de l’environnement et celui de leur habitat ne sont pas étrangers à une sécurité trouvée pour certains et retrouvée pour d’autres, chacun marquant un étonnement pour le soin proposé. Qui suis-je, s’interrogent-ils ?

Vous êtes un frère, une sœur. Ce lieu n’a d’autre vocation que de tisser des liens d’humanité.

Ces résidents ont traversé des tempêtes. Après un grand isolement, se sentant rejetés au point de se réfugier dans des addictions donnant l’illusion d’une protection, ils se reconstruisent sortant des abîmes, non sans une juste fierté pour découvrir qu’ils ont la capacité d’une autonomie et d’une responsabilité qu’ils ne pensaient pas, ou plus avoir.

L’accompagnement proposé, ils l’acceptent, mieux même, ils le vivent au regard de la bienveillance et du respect qui leur sont manifestés. Ce parrainage, plutôt un compagnonnage, avec des salariés et bénévoles qui ont conscience qu’aucun humain n’est à l’abri d’un accident de la vie.

De cette conviction, naît non seulement le refus de tout jugement mais aussi la prise en compte de la vulnérabilité qui, paradoxalement, se révèle une belle ouverture, signe d’humanité.

Il s’ensuit des liens dont la finalité est que chacun puisse entrevoir ses talents. La reconnaissance est toujours naissance à l’estime de soi et par-là même à la dignité.

Très concrètement, les résidents ont conçu un livre de cuisine ; il fut publié sous le titre « Plaisirs du goût », témoignant de leur goût de vivre et du goût de l’autre, si bien qu’ils entrent désormais dans une démarche de création d’un espace de restauration. Ils ont été reçus, ils souhaitent maintenant recevoir.

Hier, ils subissaient la vie, aujourd’hui, ils la prennent à bras le corps et avec cœur, se laissant habiter par l’enjeu du sens et du sens de l’autre.

Magnifique autonomie, celle d’une liberté qu’un des leurs, quel talent, exprime dans son poème :

Sachant toujours qu’elle (la liberté) est le plus beau cadeau à faire à la vie,

Car en retour tout nous est donné et l’on sait alors recevoir en équanimité,

Nul besoin de lois humaines tordues et emberlificotées pour la définir,

Mais seulement accepter de lâcher prise une belle et bonne fois pour toute,

Parce que pour tout un chacun, là se trouve notre réel avenir,

Et que, ô Liberté, nous tous un jour, nous te savourerons sans nul doute.

Il faut apprendre à se défaire des chaînes, celles qui entravent et blessent les chairs éthérées à travers les passions qui, dans leur sens premier, n’élèvent pas mais ne créent que des peines, ajoute l’auteur de ce poème.

Oui, à l’écoute de telles réflexions de la part de ceux qui pensaient être rien pour n’avoir rien, n’ayant même pas de toit, nous saisissons combien l’acte de construire est un acte de soin participant au respect de la dignité de la personne.

Bâtir est bien plus qu’un engagement financier, économique. Il est un acte de profonde humanité quand il est traversé par le souci de l’autre refusant de l’assigner à des logements sans grâce et sans goût en proposant un habitat où l’on peut exister, par là-même faire exister.

Bernard Devert
Janvier 2024

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