La mission d’Habitat et Humanisme

Je reçois la lettre d’un auditeur m’interrogeant sur les activités d’Habitat et Humanisme qui lui apparaissent multiples au risque, me dit-il, de perdre la cible des intuitions fondatrices rappelant l’adage, qui trop embrasse, mal étreint.

Toute l’activité est consacrée au logement de personnes en difficultés sociales et celles confrontées à la dépendance physique, voire psychique, rendant encore plus contraignante l’accès à un toit décent et adapté. Une gageure pour les plus vulnérables.

Deux mots résument notre mission, le soin et le prendre-soin qui introduisent une exigence d’hospitalité.

Un foyer, où un isolé, à la rue ou dans un cloaque, subit une violence morale, parfois physique, mettant à mal dignité et santé. Le logement recherché traduit alors un soin. Aussi, est-il juste de présenter notre acte de construire, à mille lieues de toute idée financière, comme une thérapeutique introduisant ce passage du mal-être à un bien-être.

Quand un enfant, un jeune adulte est confronté à l’autisme, plus généralement à une autre forme de handicap, il suffit d’entendre la question angoissante des parents : que va-t-il devenir quand nous ne serons plus là. Il faut bâtir pour ensuite habiter mais sans ce premier acte de construire, rien n’est possible.

Le vieillissement que connaît la population ne laisse aucune marge d’atermoiement. Il faut prévoir et donc bâtir pour que nos grands aînés de plus de 80 ans dont le nombre, d’ici à 15 ans, aura augmenté de près de 3 millions, disposent de Maisons de vie et de soins. Veillons à ce qu’au drame du mal-logement ne s’ajoute pas celui de l’indifférence à l’égard de ceux qui, avec l’âge, sont confrontés à la solitude et à l’usure du temps blessant l’autonomie. Chacun comprend le risque qui s’abat sur les plus fragiles.

Difficile de passer sous silence la question de l’hospitalité pour les lointains qui, en raison des graves crises politiques menées par des tyrans, où à cause de politiques environnementales insuffisantes, font que les territoires les plus pauvres sont courroucés par des catastrophes naturelles qui se déchaînent.

Ces lointains ne sont-ils pas les plus proches de nos parents âgés, de nos amis touchés par de graves maladies quand surgissent les heures ou les corps à bout de souffle ont besoin de soins les plus intimes. Qui les assure, sinon ceux-là mêmes que nos sociétés regardent si peu.

N’est-il pas juste que ces hommes et ces femmes qui prennent soin de nous trouvent un habitat plus proche des hôpitaux et des maisons de soins. A date, force est de constater qu’ils sont condamnés à se loger dans des quartiers les éloignant de leurs lieux professionnels. Alors que leurs horaires sont souvent décalés, qui se soucie de leurs temps de transport.

La reconnaissance des soignants exige de bâtir pour que leurs logements ne dessinent pas, parfois hurlent la rupture sociale dans laquelle ils se trouvent placés.

Bâtir est le soin que nous devons apporter à la fraternité ; elle se bâtit par un partage, mais plus encore elle se noue, comme le rappelle Saint Exupéry dans Pilote de Guerre, dans le don commun à plus vaste que soi. Nos générations trouveront-elles l’audace de privilégier cette exigence. Il en va de l’avenir de notre civilisation.

Une des symboliques de la fraternité est la table. La sagesse, dit le psalmiste, a dressé la table. La tentation pour ceux qui éprouvent le désir légitime de changer, serait de la renverser alors qu’il s’agit de l’agrandir pour que les plus fragiles puissent trouver place.

En cette heure où l’échange des vœux est la recherche du meilleur, ne se traduirait-il pas dans cette détermination à être davantage des bâtisseurs pour faire surgir des lieux facilitant les liens.

Bernard Devert

Janvier 2025

2 commentaires sur “La mission d’Habitat et Humanisme

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