Nos Sociétés sont très empreintes de la mythologie de Babel. L’éducation, les relations tout conduit à ce que le savoir et les pouvoirs soient entre les mains de ceux qui savent ou pensent savoir. Et les autres, où sont-ils ?
L’urbanisme est un des syndromes de Babel. Les agglomérations sont marquées par des frontières, ô combien visibles, hurlant les différences. Comment taire ces quartiers délaissés, perdus et pourtant si proches, habités par ceux qui n’ont pas d’autres possibilités que de se loger dans les lieux du ban.
Que de discriminations ; elles mettent en échec les valeurs de notre République. L’égalité, la fraternité, mais pour qui ?
Terrible, cette tentation de séparer. Les plus avisés se regroupent comme dans le récit de Babel, pour toucher le ciel, celui de la possession oubliant précisément que le ciel, c’est le cœur.
Si ce récit suscite une ouverture, c’est bien celle de l’interpellation de par cette voix divine, incroyablement humaine : « et les autres » !
Dieu est le Tout Autre, pour être ce cœur immensément humain. Il nous invite à bâtir nos vies et nos villes pour que chacun ait le souci de ceux abandonnés, enfermés dans des espaces qui discriminent et détruisent tout espoir et, trop souvent, l’espérance.
« Et les autres » ?
La vulnérabilité n’est pas une charge, elle est une force vitale qui métamorphose les relations, ouvrant le champ des possibles d’une humanité plus tendre et plus juste.
Comment ne pas faire mention de Sœur Teresa, Martin Luther King, Nelson Mandela, François d’Assise, l’Abbé Pierre, Dietrich Bonhoeffer, Jean Moulin. Ils sont légion, ces grands témoins entrés en résistance contre ce qui déshumanise. Ils tracent un chemin, celui de l’audace. A nous de choisir le nôtre afin de créer aujourd’hui les conditions d’une aventure pour entendre enfin, comme le rappelle Laudato si, le cri des pauvres qui est aussi celui de la planète.
Nos différences liées à nos sensibilités, nos approches philosophiques, politiques, spirituelles ne sauraient être des barrières mais des horizons, des ciels lumineux constituant un arc-en-ciel, trace de la promesse que cet autrement, déjà, se construit.
L’uniformité est destructrice de la vie.
Nombreux sommes-nous à porter cette conviction profonde, si chère à Teilhard de Chardin, que tout ce qui monte converge ou encore celle du philosophe, Emmanuel Lévinas, que les Hommes pleinement hommes sont ceux pour qui la spiritualité est fondamentalement une hospitalité exigeante. Quelle hospitalité, ne pas laisser le prochain à sa solitude et à sa mort.
L’hospitalité est une attention à l’autre. Ne trouve-t-elle pas sa source dans l’égalité, non pas un égalitarisme étroit, mais dans la recherche créatrice d’offrir à chacun ‑ quelles que soient son histoire et ses difficultés – la même chance de devenir un homme libre.
Au risque d’agacer, pardonnez-moi, j’ai souligné dans les deux précédentes chroniques l’urgence d’une mobilisation pour faire reculer la vacance des logements. J’en rappelle le chiffre, 3 millions.
Il y a quelques heures, un appel téléphonique d’une personne qui, à l’écoute de cette radio, m’appelait au sujet d’un pakistanais, en France depuis 20 ans, qui parvenait à survivre grâce à une petite échoppe qu’il a dû fermer avec la pandémie. C’était son logement. Il n’a plus rien, sauf des dettes.
Nous ne resterons pas indifférents à sa situation, mais comment trouver un logement si les portes continuent à être fermées.
Ces logements vides laissent des hommes et des femmes livides devant un tel drame. Il nous faut agir.
Bernard Devert
Mars 2021