Nos grands aînés, acteurs d’un monde plus humain

Toutes les maisons de nos grands aînés ne méritent pas cette mésestime qui les entoure, cible d’un mécontentement facile, loin d’être étranger à la difficulté d’une société d’appréhender le soir de la vie.

Le grand âge fait question ; il est incompris, apparaît à plus d’un, parfois comme inutile d’où l’interrogation encore silencieuse – mais pour combien de temps –pourquoi prolonger la vie.

A vouloir tout maîtriser, s’éveille une culture de l’utilité à mille lieues de l’humanisme.

Un focus est mis sur les rentabilités, éloignant de nos préoccupations la prise en compte des vulnérabilités. A poursuivre ainsi, la société se dessèche pour ne donner du prix qu’à ce qui est et sera, sans attention à la mémoire de ceux qui ont participé à ce que nous sommes aujourd’hui.

Les événements mémoriels, certes, ne manquent pas ; ils traduisent cette recherche d’un sursaut de l’honneur, de l’intelligence, de la générosité – et c’est bien et nul doute nécessaire – mais ce n’est pas la société toute entière qui grandit. La mémoire ne nous transforme que si elle se révèle notre avenir.

L’enjeu est que nous parvenions à nous situer tous comme des héritiers. Force est d’observer que nous peinons à reconnaître la part revenant aux générations qui nous précèdent. L’histoire est lue davantage à travers des moments qui introduisent des ruptures plutôt que dans ces avancées, fruit d’un travail collectif.

Le grand âge est un temps de la vie ; il est absolument et pleinement vital. Certes, il peut être traversé par des déficiences, lesquelles ne sauraient être aggravées par des attitudes déshumanisantes, notamment ce rejet dont nos aînés sont victimes pour se sentir de trop. Qui n’a pas entendu : pourquoi suis-je encore là.

Rappelons la chance des liens avec nos aînés. Demandons-leur de nous aider à mieux trouver notre place en faisant place et ce, quel que soit l’âge, à ceux qui ne l’ont pas ou plus. Très concrètement prenons du temps pour les rencontrer. Ils ne sont pas hors du temps, ils réintroduisent la sagesse dans notre temps.

Oublions l’affreux acronyme d’Ehpad, mais sanctuarisons cet espace de vie.

Les soignés qui l’habitent, entourés du respect qui leur est dû, doivent saisir qu’en aucune façon, ils ne sont inutiles pour autant que nous ne les mettions pas dans une situation de réclusion les abandonnant à une attente passive de ce que nous nommons la fin. Ils peuvent nous aider à mettre fin à ce tout, tout de suite, si destructeur de la compréhension bienveillante dont ce monde a besoin pour être plus tendre.

Quant aux soignants, ils n’attendent pas et ne demandent pas que nous en fassions des héros ; plus simplement, plus sagement, dans cet art du soin et du prendre-soin, ils espèrent être entendus, compris comme des acteurs auprès de ceux qui nous quittent en leur offrant préalablement ce cadeau d’une société qui, enfin, mesurerait que là où il y a une reconnaissance, s’éveille la naissance d’un monde plus responsable, plus humain.

Quand soin et prendre soin s’embrassent, quand soignés et soignants parviennent à trouver des liens d’attention, voire de complicité, c’est toute une société qui refuse de s’installer dans le « dur » pour faire place au fragile.

Cette relation a un nom, un beau nom, l’humanisme.

Bernard Devert
Mars 2024

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