Agir avec nos aînés

Aucune idée obsessionnelle sur les Ehpad, mais une ferme volonté de notre Mouvement, accompagné de soignants et de soignés, d’ouvrir ces espaces de soins pour en faire des lieux de vie, de plénitude de vie.

Sans doute, il n’y aura jamais d’enthousiasme pour rejoindre une maison de retraite médicalisée ; il n’est cependant pas déraisonnable, bien au contraire, de rechercher des conditions d’hospitalité- et ce mot est ici important – où la dépendance, prise vraiment en compte, ne se pense pas pour autant comme un synonyme de la finitude.

Nos grands aînés et je l’ai évoqué dans une précédente chronique, souffrent non pas de l’âge mais du ressenti d’un abandon pour se considérer placés, en attente de …

Or, la vie est un souffle. Certes, il n’est pas le même en fonction des années. Nous n’avons pas à l’éteindre de façon passive en associant le vieillissement à l’idée que l’accumulation des décennies justifie la perte d’intérêt à l’égard de nos anciens.

Qu’est-ce qui fait la qualité d’une vie, le don, la générosité, une attention aux autres introduisant des relations de sens qui participent largement au goût de vivre.

Edgar Morin, Claude Alphandéry, âgés de plus de 100 ans, sont des acteurs incontournables au sein de notre société. Tous deux ont lancé un appel à la paix, nous invitant à agir comme si nous ne pouvions pas échouer. De par leur ouverture de cœur et d’intelligence, ils nous font confiance en comptant sur nous pour que nous rendions notre monde meilleur.

Nos grands aînés sont des veilleurs.

Peut-être me direz-vous, deux témoins exceptionnels. Sans doute, mais je pourrais nommer beaucoup de personnes toutes aussi âgées séjournant dans nos Ehpad. Simone a plus de 104 ans impressionna une énarque responsable de la Caisse Nationale de Santé et d’Autonomie ; participant à une inspection de l’établissement, l’échange fut d’une telle richesse que ce grand serviteur de l’Etat jugea dommage de ne pas avoir enregistré la conversation.

Nos grands aînés nous offrent les possibilités de s’émerveiller, encore faut-il s’approcher d’eux.

Ce souffle, recueillons-le et de l’attention que nous lui prêterons s’éveillera une fraternité vivante, inattendue.

Comment ?

Ces grands aînés vivent une attente. Il est dommage, nous disent-ils, que nos liens affectifs, amicaux, sociaux, s’estompent. Aussi, sollicitons-les en leur confiant, ici, une intention de prière, là, une pensée qui nous tient à cœur et que nous souhaitons partager. Au fil du temps, se feront jour des relations par courrier, téléphone, ou encore des visites.

En écrivant ces quelques mots, je pense à Oscar Wilde. Les circonstances sont différentes, mais cet homme condamné trouva le souffle pour continuer à vivre par ce qu’un ami, un seul, était venu lui dire qu’il comptait pour lui.

Pour ne pas glisser dans l’oubli, encore faut-il saisir qu’aucune vie n’est inutile. Si nous apprenions de nos aînés à mieux percevoir leur solitude, ensemble nous trouverions l’audace de relier à la vie sociale ceux qui s’en éloignent pour s’approcher, avec eux et par eux, de ceux qui en sont exclus.

Cette aventure, nous l’avons commencée avec le Service Civique, offrant le déjà-là d’une fraternité avec nos aînés qui nous partagent ces mots : « vous pensez à moi » ; magnifique étonnement qui aide chacun à vivre.

Bernard Devert
Mars 2024

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