Le blocage des loyers, un marché du logement sous surveillance

Tout blocage est symptôme d’une crise.

L’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne relève qu’en 2011 les loyers ont progressé de 6 % dans le cadre des opérations de relocation, alors que l’Indice de Révision des Loyers (I.R.L.) traduit une progression, sur cette même période, de 1,7 %.

Comment ne pas agir, sauf à rester indifférents à la souffrance sociale dont le mal logement n’est qu’un des signes.

Le logement est un bien primaire qui mérite qu’on le protège contre la spéculation que trop souvent il autorise. La pierre, une « valeur refuge », mais ne marchons-nous pas sur la tête pour observer un renversement des priorités : des finances abritées alors que des centaines de milliers de familles n’ont pas de toit.

Les marchés sont si enfiévrés dans les territoires tendus qu’on assiste à un délire au point que l’exclusion progresse pour atteindre désormais les classes moyennes. La ville exclut. Ne nous résignons pas, il nous appartient d’en supprimer les causes.

Si le diagnostic est facile à établir, le traitement à mettre en œuvre est plus délicat attendu les effets collatéraux à commencer par « l’anémie », non pas des prix, mais du nombre de constructions à un moment où, le dispositif Scellier s’effaçant, les dépôts des permis de construire ont déjà sensiblement baissés. Il faut impérativement construire plus en se posant la question : pour qui ? La hiérarchisation des priorités dans leur rapport à l’éthique revêt une singulière urgence.

Comment parvenir à une économie maîtrisée ?

La réponse ne devrait-elle pas être recherchée dans une accélération du processus de l’épargne solidaire, laquelle représente déjà 3 Mds 548  M € dont 2,5 Mds € au titre de l’épargne salariale solidaire, sachant que seuls 6 % de cette dernière capitalisation sont investis dans les PME solidaires (la limite étant de 10 %).
Une ouverture est possible avec les contrats d’assurance-vie dont l’encours est de 1 400 milliards d’euros. A l’instar de l’épargne salariale, il serait judicieux qu’ils présentent une part solidaire. Une telle orientation modifierait considérablement la donne de la solidarité dès lors qu’une fraction de cette épargne serait dirigée vers des foncières solidaires pour que les acteurs du logement social disposent d’un usufruit, facilitant des programmes abordables à forte connotation de mixité.

Quand on sait que des loyers d’insertion à 5 € du m² sont encore trop élevés pour les plus pauvres au point que leur reste « à vivre » relève de la survie, qui restera sourd à un changement de paradigme de l’économie du logement.

Ce palliatif social que représente le blocage partiel des loyers doit être suivi d’un traitement libérant l’économie du logement de ses non sens en insérant une trace de gratuité qui, seule, débloquera les relations.

Utopie diront certains, ou encore chimère, mais cette trace de gratuité n’est-elle pas précisément la définition de l’épargne solidaire permettant une économie plus humanisée. L’heure est de lui offrir les chances d’un périmètre plus large.

Bernard Devert
juin 2012

L’appel du silence comme un appel à agir autrement

Que de bruits, de cris, se font entendre pour défendre les causes des plus nobles mais qui, pour ne point toucher le cœur, restent sans lendemain. Paul Ricœur dit : « plus l’on est habité par une parole forte, plus on doit la délivrer faiblement ».

Le cœur n’entend que la parole créatrice du silence, là où s’éveille le temps d’un discernement pour des engagements de nature à faire changer ce qui est déshumanisé.

La relation à l’Éternel est dans le même mouvement une relation à l’homme. Un Dieu incarné dans notre histoire qui nous éveille à la grâce et la joie d’une filiation pour nous faire naître à notre condition d’enfant d’un même Père.

Dieu ! Que nous sommes durs entre nous et plus encore à l’égard des oubliés de nos sociétés.

Comment ne pas se laisser interroger sur le mal-logement qui ronge le tissu social. Ce cancer semble sans thérapie pour consentir à des mesures palliatives que sont celles, par exemple, des hébergements provisoires pendant le temps de l’hiver. Que deviennent alors ces familles lorsque les camps sont levés au moment du printemps. Pouvons-nous croire raisonnablement que l’hiver, pour ces familles, s’en est allé.

Ils sont pourtant des hommes, des frères. Aucun d’entre-nous ne peut dire : je ne savais pas. Nous les croisons, certes, mais nous oublions de les rencontrer.

Que faire pour justement défaire cette indifférence ; elle n’est certes pas voulue mais ne résulte-t-elle pas du refus du silence où nous accepterions que le Seigneur pose sur nous son regard. Une transformation qui nous conduirait à regarder autrement la réalité sociale pour découvrir d’autres urgences nous conduisant vers Dieu et par là-même vers nos frères en difficulté.

Brisons les malentendus entre Dieu et l’homme, entre nous-mêmes et ceux qui nous sont différents pour nous apparaître comme étranges.

Ensemble faisons nôtre la prière de Salomon à l’Eternel : « donne-moi un cœur intelligent ».

L’or, l’encens et la myrrhe

Quel bonheur que de partager sa joie fut-elle surprenante pour être vécue dans un lieu recevant les oubliés de nos sociétés.

Pourtant…

Dans le cadre du dispositif hivernal, 50 personnes essentiellement des familles, condamnées à faire le 115 pour trouver un abri, sont accueillies.

Elles viennent souvent de pays lointains mais la fraternité ne saurait avoir de frontières ; inquiètes et comment ne le seraient-elles pas pour ne disposer d’aucun lien social, logement, travail, statut, amis. Quel avenir ? Grande est leur solitude mais pour autant elles ne sombrent pas. Quel est leur secret ?

Je n’ai pu m’empêcher ce dimanche de l’Epiphanie de les comparer à ces mages qui, venant d’ailleurs, acceptent de prendre un autre chemin pour déserter les allées de la facilité, celles parfois du pouvoir.

Nombre d’entre eux auraient pu de par leur culture être proches des lieux de puissance ; ils ont refusé de cautionner des politiques bafouant la liberté et la dignité de l’homme jusqu’à devoir s’exiler, leur engagement les mettant en danger ; d’autres sont venus non sans audace et espérance, rechercher les conditions d’un « mieux vivre ».

Ils ont laissé bien des présents :

  • l’affection et l’amitié des leurs; n’est-ce pas de l’or ?
  •  le pays natal avec ce parfum du mystère signifié par l’encens.
  •  La sécurité, déposant la myrrhe, l’huile pour soigner les blessures que révèle la vie risquée.

Sans trop se préoccuper d’eux-mêmes, ils consentent douloureusement à cet inconnu qui tranche avec nos peurs et nos crispations naissantes en ces temps difficiles. Ne nous nous invitent-ils pas à prendre un autre chemin, celui d’une plus grande liberté pour être celui de la confiance.

Les Mages étaient des riches par leur savoir. Puissions-nous ne pas les croiser mais bien les rencontrer pour recevoir d’eux une richesse inespérée, celle d’un cœur de pauvre.

Une étoile à scruter qui pourrait bien nous faire découvrir des inattendus.

Une voix crie dans le désert, préparez le chemin du Seigneur

Cette voix nous invite à changer et à échanger pour sortir de nos déserts ; l’échange n’est-il pas un oasis.

Une voix crie – c’est celle de cet enfant de 11 ans, David, et il y a beaucoup de David. Son enfance lui est volée par trop d’épreuves. Il a connu la rue. Ecoutez sa voix, c’est dur dit-il, de dormir à même le macadam.

Une voix crie dans nos déserts.

Voix de Salomé, elle a 6 ans. Craintive, son visage porte la trace d’une tristesse pour avoir vu et subi ce qu’aucun enfant ne devrait jamais connaître.

Une voix crie, elle prie et elle supplie : « plus jamais ça ».

Cette voix, il nous faut l’entendre pendant ce temps de l’Avent pour faire naître des relations nouvelles et par là-même déserter l’inessentiel qui porte le nom de l’indifférence ou encore des illusions qui entravent cette sortie de nos exils intérieurs.

Une voix crie dans le désert : change pour échanger avec ceux qui sont si proches et pourtant si lointains au point d’être parfois nommés « ces gens-là ».

Une voix crie dans le désert : toi qui as un logement vacant, acceptes-tu de discerner pour le mettre dans des conditions raisonnables à disposition d’une famille fragilisée.

Une voix crie dans le désert : tu as quelque épargne, veux-tu l’investir dans la solidarité pour ouvrir de nouvelles portes comprenant que sans toit, personne ne peut être soi.

Une voix crie dans le désert : acceptes-tu de louer ton bien non pas dans les conditions du marché devenu fou, débridé à tel enseigne que les prix se sont envolés jusqu’à « voler » aux familles la chance de se loger décemment ou alors à un taux d’effort qui fait que le « reste à vivre » compromet les relations stabilisées.

Une voix crie : c’est celle de Saint-Augustin : « la vie ce n’est pas les pierres, mais les hommes.

Cet humanisme n’est-il pas la pierre angulaire qu’est le Christ ; il nous crie l’espérance qu’il met en chacun d’entre-nous dans cette conviction qu’un jour nous bâtirons différemment pour nous laisser recréer.

Une voix crie, puissions-nous l’entendre.

Bernard Devert
6 décembre 2011

Pour que le « vivre ensemble » devienne une réalité mieux partagée

Le mal logement fait trop de victimes, notamment des enfants dont l’avenir est souvent brisé.

Que de personnes en souffrance sont rejetées de la société pour ne pas avoir de toit ou ne disposer que d’un hébergement dégradé voire insalubre, dangereux pour la santé et la sécurité.

L’effort de chacun doit être renouvelé pour éradiquer ce drame.

La tentation est de se tourner vers l’Etat. Certes, il est de sa fonction régalienne d’assurer la
cohésion sociale mais la société civile a aussi ses devoirs et ses responsabilités pour parvenir à une société plus équilibrée, plus juste.

N’attendons pas la résolution de la pénurie des logements, d’un miracle institutionnel qui nous
dispenserait de nos engagements.

Difficile de fermer les yeux sur le fait que trop de logements sont vacants alors que de nombreux
ménages attendent parfois depuis des années un toit. Il y a là une situation si inacceptable que le
silence est une faute ; personne ne peut dire : je ne sais pas.

Refusant de s’installer dans la seule indignation, s’impose une mobilisation pour offrir les conditions d’un avenir plus humanisé.

Dans cette perspective, nous préconisons les quatre mesures suivantes :

1/ mise à disposition sans délai de tous les biens susceptibles d’être loués, souhaitant que soit donnée plus d’ampleur à l’opération « Propriétaires et solidaires » initiée par Habitat et Humanisme.
2/ renforcement des dispositions liées aux garanties locatives pour mieux sécuriser les bailleurs,
3/ application de la Loi Solidarité et Renouvellement Urbains (S.R.U) à toutes les communes de plus de 3 500 habitants pour qu’il n’y ait plus de territoires ségrégatifs. La République est une et
indivisible.

4/ révision des plans locaux d’Urbanisme (P.L.U.) dans les grandes agglomérations : les droits à construire augmentés de 25% à 30%, étant affectés d’une charge foncière maîtrisée pour une éligibilité aux financements très sociaux.

Ces modalités largement esquissées par les lois Engagement National pour le Logement et
Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre l’Exclusion sont à notre portée, sous réserve que la détresse dans laquelle se trouvent trop de familles nous touche pour parvenir à susciter un «autrement » dans l’acte de construire et les priorités d’accès au logement.

Cet appel, nous le lançons de Lyon dans le cadre du 25ème anniversaire d’Habitat et Humanisme
avec tous ceux qui, attentifs à la fragilité, sont décidés à aller plus loin pour que le « vivre ensemble » devienne une réalité mieux partagée.

Bernard Devert
Le 10 mai 2011

Des biens pour un plus grand Bien

Quels biens pour quels liens?

Des logements vacants (plus de 400 000 en France) alors que des familles n’ont pas de toit ; 600 000 enfants en France sont victimes du mal logement.

Inutile et souvent injuste de brandir l’anathème. Nombre de propriétaires n’ont pas toujours les ressources pour les mises aux normes et, pour être isolés ou âgés, ne savent pas comment s’y prendre pour offrir à leur logement une juste destination. Des biens pour un plus grand Bien, telle est notre mobilisation pour que la propriété rime avec la solidarité.

Une solidarité à construire, à charge pour Habitat et Humanisme de :

  • rechercher les aides, subventions, prêts et préparer les dossiers administratifs et fiscaux sachant que les avantages sont réels,
  • suivre les travaux pour les mises aux normes notamment énergétiques, entraînant une valorisation du patrimoine et une diminution des charges ; Propriétaires et locataires sont alors bénéficiaires de cet engagement solidaire.

Le temps de l’Avent n’est-il pas celui où il faut nous aventurer vers plus de solidarité.

  • ‘A’ comme avenir :
    Avenir de ces enfants qui subissent une double peine : un aujourd’hui difficile (promiscuité, hébergement insalubre) et un demain compromis.
  • ‘A’ comme attention :
    Attention à la précarité appelant une ardente volonté de la faire reculer.
  • ‘A’ comme accueillir :
    Offrir un espace où l’inattendu devient le temps de l’espérance.

Oui vraiment, qui peut rester indifférent ; accueillir le Bien pour mettre les biens à leur juste place.