Ce Noël préparé par tous les noëls de l’année

Noël, un cadeau ! S’il suscite l’attente fébrile des enfants, il cause parfois une nostalgie pour bien des grandes personnes. Ce ressenti ne s’efface-t-il pas quand surgit le souvenir éclairé d’un moment où le présent a été vécu si intensément qu’il se révèle une expérience d’éternité, selon l’expression de Spinoza, qui n’était pourtant pas croyant.

Ces mots, je vous les adresse comme un signe de reconnaissance et d’amitié. Un modeste cadeau pour tous ces moments qui, partagés au cours de l’année, donnèrent naissance à un autrement pour ceux confrontés aux graves difficultés de la vie.

Je voudrais évoquer trois histoires vécues comme des temps de Noël pour avoir fait une place à ceux qui ne l’avaient pas.

Ces familles ou ces jeunes assaillis par une violence géopolitique ou économique, qui ont dû quitter leur territoire ; venus de loin, parfois de très loin, ils n’ont pas toujours trouvé l’hospitalité qu’ils espéraient. Vous la leur avez offerte.

Vous êtes ces « bergers », des veilleurs pour ne pas donner à la raison le seul primat, cet alibi facile qui, sous couvert de l’intelligence, fait taire les cœurs.

Cette maman isolée et ses enfants qui, après avoir vécu trop longtemps sur une terre hostile, bénéficient d’un logement dans l’une de nos Métropoles. Un destin plus humain s’est fait jour. L’habitat, quand il donne la chance à la mixité sociale, n’est-il pas ce lieu où se construisent des liens mettant à distance cet obscurantisme jamais étranger au fait que des frères ne trouvent pas de place.

Ces liens aussi avec nos grands aînés qui se demandent pourquoi ils sont là, toujours là, sans que nous prenions le temps de leur dire que leur fragilité, nous éveillant à la nôtre, nous permet d’être plus tendres, plus humains.

Je ne résiste pas à vous partager la rencontre d’une ambassadrice de la fragilité, plus que centenaire qui, lors d’une réunion avec des responsables de grandes entités en charge de l’autonomie, a ouvert un horizon à tous. Que s’est-il passé, la parole de cette aînée était si juste, si brûlante de sens, qu’un silence s’est établi ; tous se sont mis à l’écouter.

Les regards témoignèrent d’un tel étonnement qu’ils laissèrent place à une humilité conférant à cette réunion une humanité sans égal.

Chacun alors s’est dépouillé de ses illusions de puissance pour entrer dans une relation où la différence des âges n’est plus un abîme, mais la chance de mieux entendre et par-là même, de mieux se comprendre.

Ne nous étonnons pas que Noël ne soit pas seulement un jour de l’année, mais ces jours où les rencontres signent l’accueil du fragile comme source du futur qui, sans faire de bruit, comme à Bethléem, porte haut le bien, trace d’une expérience d’éternité qui ne s’efface pas. L’humanité en est grandie.

C’est dans cette perspective que j’ose vous dire, merci et joyeux Noël.

Bernard Devert

Décembre 2022

Le Conseil National de la Refondation Logement

En créant le Conseil National de la Refondation, le Président de la République donne la chance d’un possible rendez-vous pour arrêter ces maux qui lézardent profondément la cohésion de la société.

L’une des instances de cette refondation est le logement ; elle a réuni le 28 novembre plus de 200 acteurs de la Cité, sous l’égide des Ministres de la Transition écologique, de la Cohésion des territoires, du Délégué à la Ville et au Logement et du Haut-commissaire au Plan et Secrétaire général du Conseil national de la refondation.

Trois thèmes, bien nommés, sont appelés à être traités d’ici le mois d’avril au sein de ce Conseil : redonner du pouvoir d’habiter aux Français, réconcilier la France avec l’acte de construire et faire du logement l’avant-garde de la transition écologique.

Le coût du logement traduit une telle rupture avec les ressources d’une grande partie de la population qu’il est une des causes de la précarité et de la pauvreté. Trop de logements, éloignés de la maîtrise énergétique, présentent de telles charges qu’elles sont insupportables pour les plus vulnérables. Quel reste pour vivre quand le logement représente parfois plus de 50% des ressources.

Les interventions lors de la première réunion de ce Conseil National ont souligné avec beaucoup d’intelligence et d’émotion les situations que vivent nombre de nos concitoyens. Un premier consensus s’est établi : ce malheur doit cesser.

Le corps social, malade de trop d’iniquités, a besoin de soins. Le diagnostic posé, il conviendra de décider d’un acte chirurgical ou d’un traitement mais il ne saura relever du palliatif.

Le logement est un bien commun ; François Bayrou, Secrétaire national du Conseil national de la Refondation, eut ces mots très justes : « le logement, c’est la vie ».

Le Président de la République apparaît souvent en retrait par rapport au logement, le considérant comme une rente. Le foncier en est une. Ne crée-t-il pas un enrichissement sans cause pour les titulaires des droits à construire bénéficiant de lourds investissements de l’Etat et des Collectivités Locales.

Sans maîtrise du foncier, comment réconcilier le France avec l’acte de construire. Les réponses, loin d’être faciles, ne procèdent pas d’un il faut que. Difficile de taire que le marché du logement est un marché impossible. Il y a ici un nœud gordien qu’il s’agit de desserrer, mieux de le défaire.

L’enjeu de la mixité doit permettre aux classes moyennes de trouver leur place au sein des Métropoles ; l’égalité des chances est à ce prix.

Pour donner corps et cœur à la réconciliation, la mixité doit aussi être recherchée dans les quartiers dits perdus pour la République.

Augmenter l’offre du logement est nécessaire, en s’interrogeant sur les priorités. Trop d’urgences sans réponses, ou de celles qui conduisent les plus fragiles à se voir assignés à des hébergements ou à des logements non choisis.

Il s’ensuit une France blessée, lasse de voir que rien ne change jusqu’à considérer que tous les acteurs – et pas seulement politiques – sont dépassés par un mal que rien n’endigue.

Les trois thèmes retenus ne sont pas sans noblesse ; ils relèvent d’un projet politique où chacun est appelé, non à faire valoir ses sensibilités, encore moins ses intérêts, mais à faciliter la mise en œuvre du bien commun que représente un habitat créateur de liens.

En écoutant les différents intervenants, je pensais à Péguy : ‘tout commence par la mystique, tout finit en politique’.

L’heure – elle était, me semble-t-il partagée, en tout cas recherchée lors de cette première rencontre  ‑ est d’ouvrir la politique à la mystique. Quelle est-elle, une réelle attention à l’autre.

Une telle voie ne peut-être que réconciliatrice des relations.

Bernard Devert

Décembre 2022

Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait …

Nous connaissons cet adage, fort dommageable tant il fige les relations entre générations.

Or, que de jeunes témoignent de leur enthousiasme pour créer ! Que d’aînés, parce qu’ils savent, concourent à des ouvertures qui participent à des actes de création ! Entreprendre n’est-ce pas toujours apprendre. Ecouter, échanger, autant de possibilités pour donner à la vie la trace d’une ouverture, souvent celle d’une belle aventure.

Arrêtons de faire de l’âge des frontières qui n’ont pas lieu d’être ; la vie est un mouvement fait de rencontres souvent inattendues mais, ô combien, riches d’humanité.  

Nous en avons encore fait l’heureuse expérience en ce mois de novembre lors d’une grande réunion par visio – et nos aînés étaient loin d’être absents – rassemblant des soignants, des soignés accompagnés de leurs proches, et des jeunes, volontaires, investis dans nos Ehpad pour 8 à 12 mois, via l’Agence Nationale du Service Civique.

Plus de 400 personnes étaient connectées lors de cette rencontre présidée par un grand témoin de la solidarité, Mme Béatrice Angrand, Présidente de cette Agence Nationale du Service Civique.

Une des doyennes de nos maisons, Simone, âgée de 103 ans, Présidente d’un Conseil de la Vie Sociale, et membre à ce titre du Conseil d’Administration d’H&H Soin a fait un compte-rendu très intéressant de cette réunion.

En quelques mots, elle note l’intérêt d’un tel rendez-vous, soulignant que nos maisons ne sont pas isolées, tel était bien un de nos objectifs. Notre doyenne regrette cependant que les soignants, résidents et membres du CVS ne se soient pas exprimés suffisamment, mais elle comprend que tout ne pouvait pas être dit en 2h30.

Avec l’humour qu’on lui connaît et sa sagacité, elle a ces mots : la parole a été donnée aux grands ! Elle l’exprima avec un sourire qui fait chaud au cœur.

En 10 ans, le Service Civique a accueilli 650 000 jeunes. Pendant la crise de la Covid (2019 à 2021), le nombre de volontaires auprès des personnes âgées est passé de 370 à 1 500.

Une telle ouverture apporte de précieux soutiens aux soignants, qui se sentent reconnus pour accompagner, transmettre un savoir-faire et un savoir-être. Ouvrir grand les portes des maisons du grand âge, c’est ouvrir celles de la sagesse et de l’audace : là se fait entendre un appel : nous avons besoin de vous. Les âges se rencontrent, j’ose même dire qu’ils s’embrassent.

Vous sentez combien cette reconnaissance ouvre des lieux souvent trop fermés, créant des liens entre les générations. Il s’en suit une société plus attentive et plus solidaire.

Un autre aspect positif est l’attention portée à ces jeunes qui s’interrogent souvent sur leur avenir. Donnant 8 à 12 mois de leur temps dans un volontariat, ne sont-ils pas habités par cette recherche du sens à un moment où il leur faut faire des choix de vie. L’activité du soin et plus généralement celle du service ne répond-elle pas à cette question jusqu’à vivre cet engagement conduisant au service de l’autre pour avoir le goût de l’autre.    

Lors de cette réunion, un mot merveilleux a été largement partagé, celui du ré-enchantement ; il émane conjointement des jeunes et des aînés, tous heureux de ces relations traversées par la confiance qui autorisent parfois bien des confidences mettant en œuvre des complicités, jamais étrangères à la solidarité.

Quelle chance d’entendre de tels propos. Ils dynamisent les liens et dynamitent les lieux communs qui accablent. Le meilleur âge de la vie n’est-il pas celui à partir duquel on fait advenir un inespéré. L’âge, quel qu’il soit, ne saurait interdire cette espérance. Quelle joie d’avoir pu toucher cette réalité !

Il m’est une joie de vous la partager.

Bernard Devert

Novembre 2022

La finance solidaire, une « quille » pour la fraternité

Le baromètre de la finance solidaire est au beau-fixe. Une météo encourageante pour envisager des traversées plus longues, aux fins de hisser les voiles vers des caps de « Bonne Espérance ».

Certes, les embarcations sont encore très petites, trop, mais elles ne cessent de prendre une certaine dimension pour représenter près de 25 Md€ au 31 décembre 2022.

La présente semaine (du 7 au 14 novembre) sera un temps fort pour l’économie solidaire. A Lille, notamment mais pas seulement, se tient une manifestation sous l’égide de France Active, la Banque des Territoires, Mirova, au terme de laquelle seront décernés les Grands Prix de la Finance Solidaire dont Habitat et Humanisme fut lauréate ; n’en est-elle pas l’un des pionniers.

La finance solidaire n’a cessé depuis sa création de se développer, observant que davantage la question du sens interroge nos concitoyens, plus elle suscite de l’intérêt et recueille des adhésions (plus d’un million en 2022).

Il faut saluer dans ce développement l’engagement des entreprises et de leurs salariés qui investissent une quote-part de leur rémunération dans les fonds de l’épargne salariale solidaire représentant un encours global de 75 % des capitaux investis dans cette forme d’économie.

L’économie, la solidarité, un oxymore ! Ces deux mots semblaient ne pas pouvoir faire attelage. Voici qu’ils s’unissent, conférant à la finance une magnifique mission, celle de la transformation sociale.

Il nous souvient de l’interpellation du Baron Louis : « faites-nous une bonne politique et je vous ferai de bonnes finances » ; encore faut-il la définir. Ce qui est bon, c’est ce qui permet de briser l’attente insupportable d’un toit, évitant ainsi bien des amertumes et des souffrances qui font des vagues engloutissant l’espoir.

Sans cette finance solidaire Habitat et Humanisme n’aurait jamais pu loger plus de 40 000 foyers qui, abandonnés, ont pu trouver un logement dans un quartier équilibré, les éloignant de cités paupérisées au sein desquelles ils n’osaient espérer cet habitat si nécessaire à l’égalité des chances.

Un renversement est intervenu pour observer que c’est à partir de bonnes finances qu’une politique sociale peut se bâtir pour réduire la violence inacceptable qu’est la misère. Longtemps, il fut sage de distinguer et même de séparer le business de la solidarité, laquelle désormais s’introduit dans le champ entrepreneurial.

Comment ne pas saluer l’attention réservée à une économie qui introduit la notion du bien commun ; pendant longtemps l’acte d’entreprendre a conduit à se réunir pour partager les bénéfices qui pourraient en résulter, suivant la définition du Code Civil. Désormais, d’aucuns se rapprochent pour faire naître des projets dont la finalité n’est pas de gagner pour soi, mais de faire gagner ceux qui se trouvent au bord du chemin, souvent en errance.

La finance qui depuis des lustres a toujours recherché des sécurités – rappelons-nous l’adage : on ne prête qu’aux riches – se laisse toucher par les situations de fragilité se révélant sœurs du changement.

Il n’y a pas de sécurité là où il n’y a pas de justice, ou encore, là où l’attention à l’autre est dépourvue de bienveillance, du prendre-soin et plus encore de sollicitude.

Qui aurait pu penser que l’économie éveillerait des relations apaisées pour être équitables ; tel est le défi que l’économie solidaire relève. Elle suscite une planète inattendue ; ne serait-elle pas celle visitée par le Petit-Prince où il rencontre l’allumeur de réverbère. Il est le seul, dit-il, dont j’eusse aimé être l’ami.

Un grand acteur de l’économie solidaire la nomme l’économie cordiale ; comme l’expression est juste.

Cette planète peut apparaître pour beaucoup très lointaine, un espoir. Cependant, ne brise-t-elle pas le miroir où l’on ne voit que soi pour donner à voir un autrement venant chahuter des certitudes pour laisser place aux convictions réveillant un avenir, et quel avenir, celui de la fraternité.

Comment ensemble ne pas entrer dans cet investissement du partage.

Bernard Devert

7 Novembre 2022

La finance solidaire, une « quille » pour la fraternité

Le baromètre de la finance solidaire est au beau-fixe. Une météo encourageante pour envisager des traversées plus longues, aux fins de hisser les voiles vers des caps de « Bonne Espérance ».

Certes, les embarcations sont encore très petites, trop, mais elles ne cessent de prendre une certaine dimension pour représenter près de 25 Md€ au 31 décembre 2022.

La présente semaine (du 7 au 14 novembre) sera un temps fort pour l’économie solidaire. A Lille, notamment mais pas seulement, se tient une manifestation sous l’égide de France Active, la Banque des Territoires, Mirova, au terme de laquelle seront décernés les Grands Prix de la Finance Solidaire dont Habitat et Humanisme fut lauréate ; n’en est-elle pas l’un des pionniers.

La finance solidaire n’a cessé depuis sa création de se développer, observant que davantage la question du sens interroge nos concitoyens, plus elle suscite de l’intérêt et recueille des adhésions (plus d’un million en 2022).

Il faut saluer dans ce développement l’engagement des entreprises et de leurs salariés qui investissent une quote-part de leur rémunération dans les fonds de l’épargne salariale solidaire représentant un encours global de 75 % des capitaux investis dans cette forme d’économie.

L’économie, la solidarité, un oxymore ! Ces deux mots semblaient ne pas pouvoir faire attelage. Voici qu’ils s’unissent, conférant à la finance une magnifique mission, celle de la transformation sociale.

Il nous souvient de l’interpellation du Baron Louis : « faites-nous une bonne politique et je vous ferai de bonnes finances » ; encore faut-il la définir. Ce qui est bon, c’est ce qui permet de briser l’attente insupportable d’un toit, évitant ainsi bien des amertumes et des souffrances qui font des vagues engloutissant l’espoir.

Sans cette finance solidaire Habitat et Humanisme n’aurait jamais pu loger plus de 40 000 foyers qui, abandonnés, ont pu trouver un logement dans un quartier équilibré, les éloignant de cités paupérisées au sein desquelles ils n’osaient espérer cet habitat si nécessaire à l’égalité des chances.

Un renversement est intervenu pour observer que c’est à partir de bonnes finances qu’une politique sociale peut se bâtir pour réduire la violence inacceptable qu’est la misère. Longtemps, il fut sage de distinguer et même de séparer le business de la solidarité, laquelle désormais s’introduit dans le champ entrepreneurial.

Comment ne pas saluer l’attention réservée à une économie qui introduit la notion du bien commun ; pendant longtemps l’acte d’entreprendre a conduit à se réunir pour partager les bénéfices qui pourraient en résulter, suivant la définition du Code Civil. Désormais, d’aucuns se rapprochent pour faire naître des projets dont la finalité n’est pas de gagner pour soi, mais de faire gagner ceux qui se trouvent au bord du chemin, souvent en errance.

La finance qui depuis des lustres a toujours recherché des sécurités – rappelons-nous l’adage : on ne prête qu’aux riches – se laisse toucher par les situations de fragilité se révélant sœurs du changement.

Il n’y a pas de sécurité là où il n’y a pas de justice, ou encore, là où l’attention à l’autre est dépourvue de bienveillance, du prendre-soin et plus encore de sollicitude.

Qui aurait pu penser que l’économie éveillerait des relations apaisées pour être équitables ; tel est le défi que l’économie solidaire relève. Elle suscite une planète inattendue ; ne serait-elle pas celle visitée par le Petit-Prince où il rencontre l’allumeur de réverbère. Il est le seul, dit-il, dont j’eusse aimé être l’ami.

Un grand acteur de l’économie solidaire la nomme l’économie cordiale ; comme l’expression est juste.

Cette planète peut apparaître pour beaucoup très lointaine, un espoir. Cependant, ne brise-t-elle pas le miroir où l’on ne voit que soi pour donner à voir un autrement venant chahuter des certitudes pour laisser place aux convictions réveillant un avenir, et quel avenir, celui de la fraternité.

Comment ensemble ne pas entrer dans cet investissement du partage.

Bernard Devert

7 Novembre 2022

Quand l’acte de construire se révèle un acte de transformation sociale

L’humanisme n’est pas une idéologie mais une façon d’être qui suscite une raison d’être.

Une façon d’être marquée par la bienveillance et à l’attention à l’autre, naissance d’une plus grande fraternité.

Le Monde du 11 octobre a publié un reportage sur l’activité qu’Habitat et Humanisme développe dans les quartiers équilibrés pour en faciliter l’accès à des personnes en difficulté.

L’article a pour titre : La mixité sociale, ça s’accompagne.

La journaliste confirme qu’au sein de H&H, l’accompagnement est présent, relevant les obstacles que rencontre une famille monoparentale pour ne point parvenir à lier des relations avec ses voisins. La finale de l’article est terrible ; je n’espère plus, dit cette jeune mère, me faire des amis pour viser seulement l’indifférence polie.

Quel chemin à parcourir pour que la mixité – dès lors qu’elle est accompagnée – soit perçue pour ce qu’elle est, une ouverture et par là même une richesse.

Notre raison d’être : libérer des préjugés qui ne cessent de ‘cogner’ les relations au motif de n’avoir pas la même couleur, la même culture, les mêmes chances. Comment ne pas garder en mémoire le propos de Nelson Mandela ; être libre, dit-il, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes, c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres.

Quelle liberté quand le jugement de l’autre vous enferme jusqu’à vous faire ressentir que vous n’êtes rien.

Ce qui nous réunit, c’est ce combat pour la fraternité, constamment en débat. D’aucuns considèrent qu’elle est un idéal mais qu’il n’est pas atteignable. Or, nous sommes des milliers à l’imaginer possible, prenant le risque d’en bâtir les conditions pour que l’égalité des chances ne reste pas un mot vain.

Cette jeune mère, si elle espère seulement une indifférence polie, trouve intérieurement la joie d’habiter cet immeuble, offrant ainsi à ses enfants la possibilité d’accéder à un enseignement qui n’est pas étranger à l’égalité des chances.

Ne sombrons pas dans l’abandon des plus fragiles ; cette résignation serait ce que nomme Balzac, un suicide quotidien. Si nous sommes là, salariés et bénévoles, c’est pour être habités par une âme de résistant.

Que de raisons alors d’espérer.

Il y a 40 ans, l’idée de mixité apparaissait pour beaucoup un leurre ; désormais, malgré toutes les vicissitudes, elle traduit une heure solidaire qui éveille un avenir. Certes, majoritairement encore, nous entendons : moins d’utopie, plus de réel, un consentement à figer les relations. Ne sont-elles pas déjà suffisamment étroites.

La liberté est un mouvement qui conduit à l’ouverture de ces lieux qui créent des liens, telle l’opération réalisée à Paris, 310 avenue de Vaugirard, suscitant une interrogation émerveillée : c’était donc possible.

Nous ne planons pas mais, nous rêvons à un monde autrement. Il y a un autre monde mais il est dans celui-ci, dit Paul Eluard. Notre responsabilité est de le faire découvrir puisqu’il existe. Notre rôle :  ouvrir des chantiers dont la finalité est de construire non pour s’enrichir mais pour faire gagner en autonomie sociale ceux qui viendront habiter ces logements.

Si l’immobilier façonne trop souvent la ville, via des quartiers qui crient et parfois hurlent la stigmatisation, l’acte de construire peut se révéler un acte de soin et un formidable vecteur de changement.

Mesurons-nous la charge et la chance d’en être les bâtisseurs !

Bernard Devert

17 octobre 2022

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/10/logement-la-mixite-sociale-ca-se-pense-se-prepare-et-s-accompagne_6145096_3224.html

L’heure solidaire, un appel à entrer en résistance

Dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 octobre, nous gagnons une heure de sommeil pour reculer d’autant les aiguilles de nos montres.

Une heure gagnée ! Qu’allons-nous en faire, plonger la solidarité dans l’hivernation ? Serait-ce bien raisonnable quand nombre de nos concitoyens sont en recherche d’un toit à l’avant-veille de l’hiver pour se protéger de sa rigueur après avoir supporté celle des chaleurs de l’été.

Les conditions climatiques, quelles que soient les saisons, sont toutes aussi sévères pour le corps, sans que le corps social en soit affecté. Il s’est habitué au sens où l’exprime Péguy.

L’attente est longue pour disposer d’un logement très social, décent. Au fil des décennies, que d’appels désespérés venus de la rue : « où vais-je loger ce soir, ou demain ; je vous en conjure, j’ai des enfants, aidez-moi ».

Les heures passent avec les bonnes et mauvaises nouvelles, mais rien ne bouge vraiment !

Si ce changement d’horaire nous invitait à changer afin que s’éveille dans la nuit des plus vulnérables, une lueur laissant entrevoir la chance d’un possible auquel l’heure solidaire donne rendez-vous.

Dans ma précédente chronique, j’évoquais cette maman logée dans un quartier socialement équilibré après avoir été hébergée, trop longtemps, dans une cité paupérisée ; elle ne cache pas son bonheur de permettre à ses enfants d’accéder plus facilement à l’égalité des chances, mais elle s’attriste de ne pouvoir attendre de ses voisins qu’une indifférence polie.

Quelle en est la cause : sa couleur de peau ; une différence toujours pas acceptée ! Que de retards accumulés pour faire place à la fraternité.

A l’énoncé de ce constat, j’ai verdi, puis rougi de colère, d’où ma détermination renouvelée à bâtir des liens qui restaurent la réconciliation.

Cette lutte est une invitation à regarder ‑ à commencer en moi-même – ce qui est inachevé et lézardé. La plénitude se dessine là où la vie signe la bienveillance et une solidarité active ; alors, commence une avancée, une heure nouvelle, créatrice d’espérance.

Les aiguilles des montres et des horloges que nous avancerons nous aiguilleront-elles vers ce ferme refus de la passivité et de la patience au regard de ces maux qui agressent les plus fragiles.

L’heure solidaire, l’appel à entrer en résistance, quel combat ! il n’est jamais fini. L’accepter, c’est briser le miroir où l’on ne voit que soi, ou les mêmes, pour regarder résolument le réel tel qu’il est, en lui offrant l’immensité du possible, ce ‘nous’ bien décidés à agir

Quelle magnifique heure ! Ne la manquons pas, elle laisse la trace mémorielle d’un infini qui nous fait grandir en fraternité.

Bernard Devert

Octobre 2022