Après avoir fermé le livre du prophète Isaïe, l’Homme de Nazareth rompt le silence pour annoncer que c’est aujourd’hui que s’accomplit la Parole : « L’Esprit du Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue ». Qu’est-ce qui s’accomplit dans notre temps et qu’est-ce que nous accomplissons ?
Chacun connaît les insupportables déséquilibres, mais de là à les voir, il y a un fossé difficilement franchi.
1 % de la population possède 50,10 % du patrimoine mondial !
Tout a été dit au regard de cette iniquité mais rien ne change, observant tout au contraire une aggravation et ce, quelles que soient les sensibilités politiques. Les ‘promettants’ des grands soirs ne sont que des dictateurs préparant des matins pire encore.
Le Pape François a invité la Communauté chrétienne à faire de l’année 2016, celle de la Miséricorde. Son livre est un best-seller. Il y a une attente, tant la blessure de notre monde conduit à rechercher confusément un autrement.
Qu’est-ce que la miséricorde si ce n’est le cœur qui s’approche de la misère, de cette misère qui nous lie jusqu’à la corde, ou encore de celle qui fait chorus ; personne n’entend le cri des pauvres.
La plus grande des générosités est de sourire à un aveugle. Ne serait-ce pas le Cœur de Dieu qui s’approche du nôtre, aveuglé, fermé, mais ce sourire laisse une telle trace, qui se révèle parfois un passage, ouverture à l’improbable.
Roger Schutz, premier pasteur de la Communauté de Taizé, parlait de la violence des pacifiques. « Heureux les doux, non pas les doucereux, mais ceux qui s’éveillent à une fraternité transformatrice des relations ».
J’écris cette chronique le 25 janvier, jour de la Conversion de Paul ; celui qui allait devenir l’apôtre des Gentils est tombé de son piédestal, de ses idées de puissance, jusqu’à concevoir ce qu’est la miséricorde.
« Encore faut-il avoir appris ce que tomber veut dire, comme une pierre tombe dans la nuit de l’eau ; ce que veut dire craquer, comme un arbre s’éclate au feu ardent du gel. Que peuvent savoir de la miséricorde des matins, ceux que les nuits ne furent jamais de tempêtes et d’angoisses » (Paul Baudiquey).
S’approcher de la misère, c’est sans doute entrer dans des angoisses et des tempêtes qui déjà laissent entrevoir un aujourd’hui où s’accomplit un changement. Il ne procède pas d’une attente mais d’actes mettant en jeu l’espérance.
Bernard Devert
Janvier 2016
Ces interrogations que vous avez sur l’Evangile de dimanche, nous nous les posons, en cette année de la miséricorde, au sein de notre équipe St Vincent de Paul. Comment ouvrir les yeux sur les autres quand nous sommes aveugles sur nos imperfections, nos étroitesses de vue ? Nous allons entrer dans une quinzaine de prières et notre temps ne sera pas suffisant pour rédiger toutes ces demandes que nous avons à faire au Père
Il y a les grandes inquiétudes de nos concitoyens qui voient affluer une immigration que les médias s’accordent à dire insoluble et continue, les pays qui ferment leurs frontières, les agriculteurs qui perdent leurs exploitations, les privilégiés qui commencent à moins l’être etc…
C’est vrai on est aveugle sur des situations inconnues. Récemment on m’a dit, des Tibétains comme réfugiés ? Qu’est-ce qu’ils fuient ? Comment leur dire qu’ils n’ont pas le droit de penser par eux-mêmes, qu’ils sont privés des droits fondamentaux de l’homme, qu’ils sont chassés comme des bêtes dès qu’ils cherchent à fuir et que leurs enfants sont aussi en première ligne. Comment dire que des parents traversent l’Himalaya pour conduire clandestinement leurs enfants dans des villages d’enfants à Dharamsala pour qu’ils puissent vivre de leur culture en paix !
Mais à côté de cela, rien n’est perdu. Comme vous dites il y a les sourires du cœur, les mains anonymes qui soignent, les greniers qui se vident pour donner le superflu. Il y a des jeunes qui s’interrogent, qui s’engagent. Il y a aussi de plus en plus d’associations solidaires qui permettent grâce à leurs jardins, de nourrir, grâce à leurs ateliers de fournir aussi du travail. Mais notre action ne doit pas s’arrêter là.
Quand nous revenons de chez les Orantes de Bonnelles, l’enthousiasme des bénévoles, leur joie, attirent d’autres bénévoles.
L’amour immense de Dieu pour chacun de ses enfants ne saurait se perdre. Qu’il nous aide à dépasser nos peurs et renforce notre détermination à faire de cette année une vraie année de la Miséricorde.
Chère Madame,
Les iniquités sont dramatiques. Alors que quelques-uns ont beaucoup, une immense majorité n’a rien.
Il est juste de souligner que des jeunes, notamment au sein des Grandes Ecoles, entendent faire changer cette situation, considérant que la question du salaire n’est plus dominante dans le choix de l’engagement.
Jamais l’économie n’a suscité une telle interrogation de sens.
Ce jour à Paris au salon de l’Entreprise, plus de 500 personnes, essentiellement des jeunes, s’interrogeaient sur l’entrepreneuriat. Quand la question du sens est partagée, un avenir plus humanisé se fait jour.
Je rédigerai ma chronique sur ce point, heureux de vous partager qu’une de nos entités, Entreprendre pour Humaniser la Dépendance, a reçu le prix de l’entrepreneuriat social.
En communion de prière.Bernard Devert