Briser les ghettos, une législation s’impose mais plus encore une transformation des regards

Les grandes agglomérations mettent en lumière les ombres de politiques permissives interdisant la régulation du marché immobilier en rupture avec les ressources du plus grand nombre, d’où des villes, du moins des centres-villes, devenus des vitrines au sein desquelles tout est proposé, mais finalement interdit au plus grand nombre.

Les villes ne traduisent pas seulement les inégalités, et les discriminations, elles les développent.

Le bien commun est blessé pour ne point corréler les comportements privés et leurs conséquences dans la Cité.

Face à cette rupture, la mixité sociale est une clé pour ouvrir sur de nouveaux rapports humains.

Bâtir dans une attention à l’autre, c’est rechercher une urbanité créatrice de liens ; elle n’est possible que là où l’homme parvient à sa maturité éthique, suivant l’expression d’Emmanuel Lévinas.

Le projet de loi « égalité et citoyenneté », lancé dans le sillage des attentats de janvier 2015 pour lutter contre la ghettoïsation, renforce la loi S.R.U. Quinze ans après son adoption, 1 115 communes sont déficitaires, dont 223 ont fait l’objet d’un arrêté préfectoral de ‘carences’ leur imposant des pénalités financières multipliées par cinq depuis janvier 2015.

Le refus de la stigmatisation du logement impose de ne plus loger dans des quartiers pauvres des personnes en situation de pauvreté. L’urgence est criante. Il est facile de désigner pudiquement ces quartiers dits sensibles, relevant que ce caractère ne nous touche que lorsqu’éclate la désespérance sous forme de guérillas urbaines.

Un des socles de la République est la fraternité sans laquelle il n’y a pas de bien commun. Il est grand temps qu’elle traverse l’acte de construire.

Quelle fraternité quand des centaines de milliers de familles recherchent vainement un logement ; qui se soucie de leur sort et de leur angoisse. Comment peut-on accepter que des mamans et des enfants connaissent la rue. Quelle insouciance ou plutôt, quelle déshumanisation.

La fraternité en mal d’expérimentations renvoie au drame de l’indifférence. La Nation ne saurait être une Société d’anonymes qui, prisonniers d’un moi, tentent de se défaire de l’altérité, d’où ces espaces qui, au lieu de protéger, fracturent l’avenir.

Quelle déshumanisation, mais comment s’en étonner : là où les possessions s’installent et s’étalent, le moi préfabriqué éloigne de la conscience qu’exister c’est faire exister en s’approchant de l’autre.

Le repli sur soi naît d’un orgueil brouillant le discernement d’un futur d’où le maintien de modèles qui ne fonctionnent plus jusqu’à paralyser la négociation des frontières. Des murs se lèvent au préjudice de ceux qui seraient nécessaires pour une ville plus inclusive.

La fraternité exige de la bienveillance, ouverture du temps sur l’infini, et de la patience pour considérer que les limites de l’autre et les siennes ne sont jamais infranchissables. Ne serait-ce pas cela espérer.

Bernard Devert

Avril 2016

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