Vivre Pâque, ce craquement des tombeaux

Si les liturgies clament avec bonheur Alléluia, Christ est ressuscité, Il est vraiment ressuscité, elles nous donnent à entendre de façon renouvelée la clameur de ceux qui, confrontés à un vide abyssal, s’interrogent : « qui suis-je pour être aussi rejeté, compté pour rien ».

C’est en se rendant sur les décombres que les disciples quitteront l’ombre qui les envahit.

Que de tombeaux ; celui de cette guerre en Ukraine. Tombeau de ceux qui tombent en raison d’un conflit écœurant qui n’a d’autres perspectives que l’arrogance et la volonté de puissance.

Tombeau des droits humains avec sa cohorte d’humiliations, de viols, d’assassinats, et ces charniers, trace d’une violence abjecte.

Tombeau pour l’Orthodoxie. Que de frères qui célèbreront leur Pâque ce week-end seront affligés par un tombeau vide de sens, encombré par la violence qui fait écran à l’invisible.

C’est cet invisible que le disciple, Jean, vit quand il entra dans le tombeau pour se laisser habiter par ce qui demeure existentiellement et éternellement, l’Amour, tremplin vers un autrement.

« Il vit et il crut ».

A l’écoute de cette parole résonnent en moi les mots de Paul Eluard : « comme le jour dépend de l’innocence, le monde entier dépend de tes yeux purs ». Christian Bobin dans son livre « Pierre » dit : « allez vers ceux qu’on aime, c’est toujours aller vers l’au-delà ».

« Quand tout est détruit, qu’il n’y a plus rien, mais vraiment plus rien, il n’y pas la mort et le vide comme on le croirait, pas du tout. Je vous le jure. Quand il n’y a plus rien, il n’y a que l’amour », suivant les mots si forts de Christiane Singer.

Ces yeux purs ne sont-ils pas ceux des disciples d’Emmaüs. Ils partirent le cœur lourd vers un village aux fins de s’éloigner de la vie au grand large. Soudain, dans cette rencontre avec le Ressuscité, ils se relèvent pour devenir des bâtisseurs de sens, d’espérance.

A notre tour, nous sommes attendus pour donner à ce monde le goût du Tout-Autre et de l’autre qui, seul, ouvre les tombeaux.

Les prochaines heures sont celles où il nous faut faire des choix ; puissent-ils être traversés par ce passage ‑ la Pâque – ou l’autre soi l’emporte sur le repli sur soi.

Pâques, c’est ce moment où les cœurs se mettent à brûler, la chair tremble. Soyons sans crainte puisque surgit la naissance d’un inouï vers de nouveaux possibles.

Allons-nous les accueillir et les vivre.

Bernard Devert

Avril 2022

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s