Pentecôte, un jour qui fit grand bruit. Non pas ce bruit qui enferme, mais celui du silence pour entendre le « craquement de l’âme » (Bernanos) jusqu’à éveiller des appels intérieurs conduisant aux ruptures nécessaires pour créer des espaces de communion (« la foule se rassembla » Actes 2,6).
Un jour qui fit grand bruit.
Pentecôte 2012 fait entendre du côté de la Cité du Vatican un bruit médiatique qui fait mal et fait du mal, mais ne pourrait-il pas, paradoxalement, en sortir un plus grand bien. Ne mettrait-il pas en exergue le combat spirituel de Benoît XVI, touché par des proches qui ne souffrent aucun des changements qu’il veut opérer pour une plus grande cohérence entre le kérygme et les pratiques. Cette lecture est un magnifique cadeau d’espérance en ce 50ème anniversaire de Vatican II, dont la Constitution « Gaudium et Spes » souligne l’ardente attention aux inquiétudes et angoisses de ce monde.
L’Eglise a la responsabilité de donner à voir ce qu’elle croit.
Lors de la première Pentecôte tous étaient déconcertés et émerveillés, pour reprendre les Actes des Apôtres. En 2012, pour cette même fête de l’Esprit, d’aucuns sont décontenancés mais joyeusement et gravement surpris par leur pasteur : il est ce réformateur qui, suivant la prière attribuée à l’Archevêque de Cantorbéry, Etienne Longton (+1128), tente « d’assouplir ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid et redresse ce qui est tordu ».
A la lecture de son livre Jésus de Nazareth et de ses Encycliques, Benoît XVI promeut un esprit de réconciliation tout en refusant ce relativisme, cancer de la pensée et éloignement de la vie évangélique dès lors que les témoins sont appelés à ce que « leur oui soit oui, leur non soit non ».
Benoît XVI s’élève, avec la force des doux, contre ces pratiques déshumanisantes et dévastatrices de l’espérance touchant les mœurs ou les questions financières. « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé, rien n’est secret qui ne sera connu ». Il débusque non sans drame et souffrance ces situations qui abîment l’Eglise et déroutent bien des hommes de bonne volonté.
Magnifique l’Encyclique « Caritas in Veritate ». Ne propose-t-elle pas aux acteurs de l’économie d’introduire une trace de gratuité dans les relations d’échange incluant ceux qui ne disposent de rien ou de si peu.
L’homme de Nazareth paya de sa vie l’expulsion des marchands du Temple. Benoît XVI semble insupporté par ceux qui, craignant les transformations qu’il entend opérer, essaient par ces fuites de le disqualifier.
Dans le continuum de son Encyclique, Benoît XVI ne souhaite-t-il pas que l’Institut des Œuvres de Religion (I.O.R.), appelé souvent la ‘banque du Pape’, mette l’argent enfin à sa place c’est-à-dire dans son rôle de serviteur. Voyez que cette Institution devienne la première banque mondiale de l’économie sociale et solidaire ! Comment oublier le fait que les « premiers chrétiens mettaient tout en commun, vendaient les propriétés pour partager entre tous selon les besoins de chacun ».
Alors « Vatileacks » se révèle l’expression de secousses qui, dommageables en apparence, soulignent des tensions qui touchent à l’Essentiel entre un Pape qui a l’audace de l’avenir pour avoir le sens de la Source et ceux qui entendent ne rien changer pour rester enfermés dans un arrière monde.
Le Fils de l’Homme rappelle constamment que s’il a un privilège, c’est celui de renoncer à tout privilège : « de condition divine, le Christ s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave » (Phil 2,6-7).
Cette Parole, quand elle nous parle, est transformatrice de toute relation. Une tourmente ! Les témoins de la première Pentecôte ne nous disent-ils pas précisément « qu’il vînt du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent ». Il est de ces conversions qui transforment les cœurs qu’aucune fuite ne saurait arrêter.
Bien cher Bernard,
Ta tribune m’a paru une magnifique méditation sur l’Eglise, sur l’argent, sur la miséricorde. Mais surtout m’a permis de t’entendre.
Ton texte est beau, par son contenu ecclésial, spirituel, poétique et littéraire.
Je me permets quelques bémols, mineurs, si tu me le permets.
– Les deux volumes de Ratzinger sur Jésus sont magnifiques, superbes !
– L’encyclique « Deus Caritas » est pleine de nouveauté dans sa première partie, de chaleur affective en parlant de l’amour « conjugal » de Dieu. La seconde partie qui énumère les instances caritatives de l’Eglise, les services, les mouvements, les ONG cathos, les mouvements de Diaconia, me parait plus contestable. Tout ce qui est dit est vrai et louable, oh combien ! Mais on a le sentiment qu’ « on est les meilleurs » et on « la ramène un peu », un peu trop. Et ce que font les autres, alors ?
– La réforme de la Curie qu’on attend depuis Vatican II ne s’est jamais faite. A l’origine la faute en revient à Paul VI, qui a écarté un dossier préparé pour le Concile et pour lequel il a refusé un débat avec les Pères (comme il a écarté le dossier sur la régulation des naissances et celui sur le célibat). Il y a urgence que le Vatican soit réformé ! Cela aussi, il faut le dire. Aucun gouvernement n’accepterait de fonctionner comme celui de notre Eglise !
– La collégialité universelle n’est pas respectée du tout. Elle ne fonctionne pas. La faute, ici encore, à Paul VI (aggravée par JPII) qui a écarté ce débat aussi de l’assemblée des Pères du Concile. Lui-même et son successeur ont fait du « synode romain » qui aurait pu fonctionner comme un mini-concile permanent, un simple « conseil du pape ».
On en est là. Nous avons à soutenir le pape Benoît, c’est sûr. Mais aussi, nous sommes en droit de réclamer, au nom même de l’Evangile, des institutions plus conformes à l’esprit de Jésus.
Merci à toi d’avoir lancé cet appel très enflammé et nécessaire. A nous tous d’y réfléchir, de réagir et de prier.
Bien à toi
André BAFFERT
Quel baratin, pour enrober une vérité simple, triviale, terrible…
Et qu’est-ce qu’un kêrygme? (Merci, ne vous donnez pas la peine de traduire: je comprends.) Pour qui parlez-vous? Sans doute pour des gens assez fortunés (et « cultivés ») pour « placer » de l’argent dans votre oeuvre., des gens qui ont besoin d’être rassurés sur ce qui se passe: « Oui oui, mes frères, c’est très moche. Mais vous le savez, ce qui est moche à l’extérieur, pour des yeux qui ne voient pas, recèle des trésors de miséricorde et de charité… » Pitié! Jésus, lui, n’y allait pas par quatre chemin pour « maudire » les gens d’argent.
Je suis très déçue. Je suis une vieille bonne femme veuve et pauvre, habitant une banlieue « difficile ». Quelqu’un que j’estime m’avait vanté les louanges de vos réalisations. J’ai voulu voir. Je suis particulièrement déçue par le fait que, ce que vous proposez, c’est d’extraire quelques « happy few » de l’enfer des banlieues. Moi, c’est la banlieue que j’irais sauver, si j’étais comme vous remplie du feu de la Pentecôte.
En attendant je fais ce que je peux. Et vous aussi, sans doute.
Madame,
Je vous remercie d’avoir pris la peine de me faire part de vos réactions. Certes, je fais ce que je peux et ne conteste pas que c’est trop peu, mais pour autant il ne m’apparaît pas inutile de poursuivre ce qui a été commencé pour offrir à des ménages fragilisés un logement dans des quartiers socialement équilibrés.
J’ai cette conviction que l’attention à la fragilité opère les retournements et conversions qui, seuls permettent de changer.N’attendons pas que la société change par décret ou dans l’illusion d’un grand soir !
Un journaliste, horrifié par ce qu’il voyait à Calcutta, demanda à Mère Térésa : « mais que faut-il faire pour que cela change » ? Mère Térésa lui répondit : « il vous faut changer, comme moi-même il me faut changer ».
La somme de nos changements individuels offre la trace d’une ouverture. A cette exigence éthique, qui passe par une transformation des cœurs, ne sommes-nous pas appelés.
Les désaccords sur nos perspectives sont aussi une chance pour mieux comprendre, se comprendre en évitant des jugements hâtifs qui ne creusent que des abîmes.
Bien cordialement vôtre.
Bernard Devert