Dans les heures d’inquiétudes parfois d’angoisses, quelle chance de pouvoir entendre cette parole de Jésus : « N’ayez pas peur ». Non pas un appel à nier les peurs, mais à les traverser.
Va vers ton risque, dit René Char, à te regarder ils s’habitueront. Croire c’est risquer, se risquer comme Dieu se risque parmi nous.
Jésus s’inquiète non seulement de savoir où l’homme est, mais plus encore où il en est, nous permettant d’exprimer nos manques. Quelle joie de pouvoir dire à un être : j’ai besoin de toi, tu m’as manqué, sous entendu : sans toi je suis pauvre, pauvre de joie, pauvre d’espérance, pauvre d’amour.
Ces heures de fragilité ne sont-elles pas celles où les bras de Dieu s’ouvrent comme ils se sont ouverts au Prodigue ou encore au Bon Larron à qui Claudel fait dire : « sur un regard, j’ai tout compris ».
Cette reconnaissance du manque est un rendez-vous avec le discernement. Une interrogation surgit : que vais-je faire de l’appel du Christ à le suivre sur les terres de fragilité où, qui que nous soyons, nous sommes attendus et espérés. Qu’est-ce que je peux faire pour que ce frère, cette sœur aient moins mal ?
« Qu’as-tu fait de ton frère » ? C’est apprendre à nous défaire des enfers de ces enfermements, c’est à dire de ces moments où l’on se ment à soi-même.
Dans cette rencontre bouleversante entre la femme de Samarie et le Nazaréen, les incompréhensions progressivement s’effacent pour faire place à une relation joyeuse et espérante. La Samaritaine saisit qu’elle s’est installée dans la sincérité, d’où des fidélités successives qui ne font qu’aggraver le manque d’amour qui l’habite. Jésus ne pointe pas un désordre moral, mais lui fait reconnaître qu’elle est en attente d’un autrement, celui-là même qui naît du discernement.
Le discernement n’est pas un luxe, il est essentiel pour ne point construire sur le sable.
Discerner c’est faire surgir un supplément d’humanité ; les décisions retenues souvent suscitent un avenir à partir duquel chacun entrevoit mieux ce qu’il est vraiment. Les masques sont tombés. Des visages à découvert, se risquent à dire un oui magnifique à la vie, un oui qui rassemble, signe de nos solidarités.
Et si nous entendions notre Pape François nous redire : n’ayez pas peur de la bonté de la générosité. Comme cette apostrophe est bienvenue, une Pentecôte pour l’Eglise, une ouverture pour le monde.
Bernard Devert
Juin 2013