La résurrection de Lazare peut sans doute nous aider à entrevoir, ici et maintenant, une singulière ouverture.
« Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir » (Jn 11,37) ? De là à penser que Jésus était indifférent, voire coupable de la mort de son ami Lazare, il y a un pas vite franchi, tant sont prompts ces jugements intempestifs et rigides sans se rendre compte qu’ils sont signes d’une mort intérieure.
Jésus pleure son ami : Le tombeau semble être inexorablement le lieu qui referme la vie.
Le Maître de la vie ne supprime pas la mort, il la traverse pour nous appeler à faire de ce monde un « monde de ressuscités ».
Surgit le cri du Seigneur : « Viens Lazare ». Or, tous, nous sommes des Lazare.
Venez dehors, dit-il. Nous nous présentons avec nos enfermements : des pieds et des mains attachés, le visage enveloppé du suaire.
Des pieds qui ont refusé d’emprunter le chemin pour avoir laissé en souffrance l’appel du Fils de l’Homme : veux-tu me suivre ? Des mains crispées sur elles-mêmes, pour ne point avoir compris que vivre c’était les ouvrir pour recevoir le don de la vie. Des visages qui se sont laissé voiler pour ne point voir le frère souffrant ou pas davantage la beauté du monde.
Or, contre toute espérance, l’inespéré surgit avec la résurrection de Lazare : elle est déjà la nôtre.
Certes, nous nous relevons avec nos traces de servitudes mais elles ne résistent pas à cette Parole : déliez-le et laissez-le aller. Il ne s’agit pas de revenir mais d’advenir.
Jésus ne s’est pas présenté comme un séducteur à l’égard des sœurs de Lazare et des amis de leur frère, dont il est ; il ne s’est pas inscrit dans l’impatience qui refléterait la puissance. Il n’a point donné à leur amertume un bouc émissaire. Il a proposé à chacun d’entrer dans une liberté intérieure pour vivre une traversée qui a pour nom : l’Amour.
Dans ce temps qui nous prépare à la Pâque, pouvons-nous rester étrangers au fait que, depuis quatre mois, les frais de nourriture ont baissé, attendu la montée de la précarité. Pouvons-nous rester indifférents à la situation de ces foyers expulsés pour ne pouvoir supporter la totalité du loyer en raison d’un abîme entre leurs ressources et les charges.
Les alleluia que nous chanterons pour célébrer le tombeau vide n’auront de sens que si nous trouvons l’audace de relier à la vie sociale ceux qui en sont exclus.
Bernard Devert
1er avril 2014