La dépendance, école d’humanité.

La dépendance, paradoxalement, crie et crée la vie ; elle est un appel à entreprendre si nous ne voulons pas sombrer dans une déshumanisation qui assombrit l’avenir.

Vivre, c’est témoigner d’une attention à l’autre. « ‘Je’ est un autre », dit magnifiquement Rimbaud.

L’indifférence déshumanise avec comme corollaire une juxtaposition d’individus qui, troublés par la vulnérabilité, feignent de l’ignorer pour ne pas voir ce qui manque, ce qui leur manque.

Quand apparemment rien ne manque, c’est que le sens de la vie manque.

La personne se construit par et dans la relation qui illumine l’être (Gaston Bachelard). Alors, s’exprime la richesse de l’autonomie mais aussi la conscience de son insuffisance, éveil à une ouverture si bien exprimée par le poème de René Daumal (cf. ‘le Mont analogue’) :

« Je suis mort parce que je n’ai pas de désir,
Je n’ai pas de désir parce que je crois posséder,
Je crois posséder parce que je n’essaye pas de donner ;
Essayant de donner, on voit qu’on n’a rien,
Voyant qu’on n’a rien, on essaye de se donner,
Essayant de se donner, on voit qu’on n’ est rien,
Voyant qu’on est rien, on désire devenir,
Désirant devenir, on vit. »

Vivre, c’est entreprendre pour ne pas demeurer dans des passéismes si réducteurs que les regards fuient jusqu’à devenir extérieurs au réel. Qui n’a pas entendu tragiquement : je ne savais pas.

Comment savoir quand on n’accepte pas de voir.

Dans le livre ‘Le voyant’, de Jérôme Garcin, Jacques hurle : « mes yeux, ou sont mes yeux ? », lequel dira plus tard : « je ne voyais plus avec les yeux de mon corps, je voyais avec les yeux de mon âme ».

Ensemble, refusant de déserter les situations difficiles, parfois douloureuses, nous entreprenons de bâtir des lieux d’humanité qui tissent des liens de fraternité. Il s’agit bien d’entreprendre pour humaniser. Souvenons de la méditation du père François Varillon : « Dieu divinise ce que l’homme humanise ».

Si je ressens une dépendance par rapport à vous, loin de m’en attrister, je mesure qu’elle est signe de reconnaissance pour votre accompagnement.

Ce supplément d’âme partagé fait craquer les enfermements. Alors, les regards sur la vie s’avèrent plus sensibles, plus vrais, plus humains, nous rappelant, suivant le Père Baudiquey, que les seuls regards d’amour sont ceux qui nous espèrent.

Bernard Devert
Septembre 2015

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