Alors que les actifs financiers s’agrègent entre de mêmes mains, le bien commun se délite. Nous assistons à une montée des individualismes consécutive, pour partie, aux ruptures d’équité favorisant la poussée des populismes.
Le coût du logement dans la capitale et les grandes métropoles a augmenté ; il devient inaccessible aux classes moyennes. Que de dépenses incompressibles font que le revenu médian, au cours de ces huit dernières années, n’a pas progressé (20 370 € en 2008 contre 20 500 € en 2016) alors que les charges ont explosé.
Le chômage massif a tétanisé le marché de l’emploi. Si la croissance a eu des embellies, force est de constater qu’elles n’ont pas duré. Vaclav Havel s’interrogea : « Pourquoi tout doit-il augmenter constamment ? pourquoi l’économie, l’industrie, la production doivent-elles croître ? »
L’idée de cette croissance fait de nous des captifs. Comment aborder cette question sans qu’elle se présente comme une injure à l’égard de ceux que la misère gifle, engloutis par la fracture sociale dénoncée depuis 30 ans sans que le sujet, maintes fois abordé, n’ait reçu de réponse satisfaisante.
Des politiques se sont défendus, prétextant que tout ce qui pouvait être entrepris l’avait été. De tels propos signent un découragement, destructeur d’un avenir plus juste. A qui alors s’adresser. Ne nous étonnons pas de la crise de la représentativité conduisant une partie de l’opinion à demander une participation plus directe à la vie de la Nation.
Les risques d’un tout, ‘tout, de suite’ peuvent être patents pour ne pas donner au temps la chance d’un recul facilitant la réflexion. Les référendums ne sont pas sans danger de manipulations.
Le sentiment avéré que l’ascenseur social ne fonctionne plus, que les chances de vivre mieux se détériorent a suscité ce mouvement des Gilets jaunes, un cri d’angoisse accompagné d’une libération de la parole.
Le procès intenté par la Parole libérée au motif du silence de l’Eglise, est un refus du mutisme des Institutions. A trop se protéger, elles n’entendent pas ou peu le cri des pauvres, d’où le surgissement d’une parole pour le respect des plus fragiles.
La fin du procès s’est terminée par un inattendu. Il mérite d’être salué. L’Evêque auxiliaire, premier collaborateur du Cardinal Philippe Barbarin, Monseigneur Emmanuel Gobilliard s’est adressé aux deux cofondateurs de l’association « La Parole libérée », Alexandre Dussot-Hezez et François Devaux. Merci, leur a-t-il dit, d’avoir secoué l’Eglise car il y a des dysfonctionnements, des difficultés. Il faut que l’on change. Une grande émotion a étreint ces hommes. Quand la parole se libère, une guérison s’opère.
Victor Hugo aimait à dire à propos des morts « ils m’entendent et je les entends ». Ce que nous croyons aujourd’hui mort ne devrait-il pas nous conduire à entendre un appel à vivre autrement. Il me souvient de ce chef d’entreprise touché par un cancer qui entre à l’hôpital pour ses soins. Il manifeste son exaspération pour devoir partager sa chambre avec un autre malade, qui plus est, pauvre ; aussi recule-t-il. L’oncologue lui rappelle que combattre le cancer est une lutte avec cet autre ennemi, le temps.
Quelques jours plus tard, il me dira qu’il lui a fallu être confronté à cette situation de vulnérabilité pour entrer en sympathie avec celui devenu un compagnon. Les barrières tombent quand les illusoires protections s’effacent.
A quelques jours de ce grand débat qui ne saurait être un combat, il convient de se rappeler qu’il est une ouverture qui porte le nom de résilience, de réconciliation transformant le cœur et l’esprit. Certes, un effort est à entreprendre ; il est celui d’une écoute en vue d’un partage.
Le rechercher est déjà une libération, une victoire sur le défaitisme.
Bernard Devert
14 janvier 2019
Bonjour Bernard, bien que je lise régulièrement tes messages sans cependant « prendre la plume », j’ai envie de réagir à la lecture de celui-ci. Plus que quiconque, tu connais la vie, les difficultés de toutes sortes auxquelles bien des gens sont confrontés, et tu mets tout en oeuvre pour accompagner ces personnes et les aider à s’en sortir. Cependant, quand je lis ton dernier message relatif au Grand débat, je te trouve un peu naïf, dans le sens où ce n’est pas tant la chance qu’il peut représenter pour les personnes qui apporteront leur contribution, que la façon dont les personnes en charge du dépouillement et de la lecture qu’elles en feront qui est la base de sa réussite ou de son échec : en d’autres termes, plus que les contributeurs, je crois que ce sont ceux qui sont à même d’en tirer les conclusions et d’agir en conséquence qu’il faut convaincre. Et là, passe-moi l’expression, mais « ce n’est pas gagné ». Je suis bien évidemment d’accord avec les thèmes que tu développes, mais un peu plus de pugnacité donnerait davantage de force à tes idées, et pourrait (peut-être) aider à convaincre les décideurs de notre pays.
Bien à toi.
Malgré toutes les critiques et remarques cyniques de part et d’autre, le spectacle d’Emmanuel Macron débattant Mardi presque sept heures avec les maires normands est quand même plus encourageant et constructif que les déclarations à l’emporte-pièce des leaders autoproclamés des GJ.
Espérons que cela puisse instaurer un tournant dans le mouvement GJ qui est loin d’être terminé et restera de toute façon dans notre histoire.
On parle bien ici de justice sociale, nécessaire et indispensable pour tous.
Bien que le Christ nous ai dit ‘Vous aurez toujours des pauvres parmi vous’, faisons en sorte qu’au moins nous n’ayons plus de misérables, il y a une grande différence entre ces deux conditions. On peut être pauvre et digne et fier, ce n’est pas le cas du misérable.