L’attention à la fragilité, chemin d’humanité

Scandale, encore un ! Il est grave, touchant des personnes vulnérables sur le plan de la santé, eu égard à leur grand âge.

Les fragilités sont omni présentes ; certains en profitent, d’autres – au contraire – veillent à ce qu’elles soient appréhendées pour des relations humanisées et même fraternelles.

L’ehpad est un lieu qui donne lieu à une concentration des vulnérabilités. Que de risques de profiter des situations de faiblesse facilitant la prévarication pour obtenir de substantiels profits au préjudice de ceux qui leur font confiance, désarmés par l’angoisse de la fin de vie.

Seulement l’argent ne résout rien, bien au contraire.

Le scandale qui éclate – ce n’est point une surprise – fait apparaître que le prendre-soin, jamais ne s’achète, pour ne se trouver que là où générosité et gratuité se rencontrent.

Ce n’est point la vieillesse qui est un naufrage, c’est sa traversée. Les ehpad sont des « escales », mais vers quoi ! Vous mesurez le silence ! Il s’ensuit des attentes aussi vides que longues, aggravées par le sentiment d’inutilité sociale si éprouvant pour les résidents.

La dépendance n’est pas une déchéance. Fût-elle accablante, elle ne saurait faire obstacle à ce que la personne revisite son histoire qui, toujours, porte les traces d’une réelle humanité, d’où un émerveillement éclairant l’horizon.

Relire son histoire, ce n’est pas se souvenir, c’est habiter une mémoire qui éveille. Savoir qu’on a fait exister est nécessaire pour continuer à exister.

L’argent, tout l’argent possible, ne permet pas d’entrer dans cette relation qui ne se construit qu’avec du temps, de la délicatesse. Les soignants n’en manquent pas, encore faut-il leur laisser une marge d’autonomie, de gratuité dans leur mission. Ce souci est le nôtre ; il est partagé aux Autorités de Tutelle mais aussi étudié en interne.

Là où la fragilité est vraiment prise en compte, le temps dit perdu se révèle un temps gagné pour l’écoute, la compréhension et la construction des liens entre soigné et soignant, mettant à distance la maltraitance.

Derrière ce mot constamment utilisé, se cache une souffrance morale. Ecoutons : pour qui je compte ; pourquoi suis-je si seul ; pourquoi encore vivre ?

Le manque de relation est le plus sûr moyen de clôturer l’avenir.

Le mal-être de nos aînés met en exergue combien l’argent est trompeur. Il est bien qu’ils puissent occuper de beaux bâtiments, mais ce qui est pour eux essentiel au soir de la vie, ce ne sont pas des chambres aux surface normées, mais de ‘percer le mur’, pour découvrir un passage, un souffle.

La pensée teilhardienne rappelle que tout ce qui monte converge vers l’essentiel. Que de dégâts causés pour ne pas entrevoir une possible transcendance, non point un catéchisme de questions/réponses, mais un temps d’apprivoisement où chacun découvre qu’il est plus grand qu’il ne le croit ou ne l’espère. Toute confiance est une ouverture.

Ce ne sont pas nos aînés qui ont peur, c’est souvent nous pour occulter la sphère d’un monde où l’infini aurait pourtant toute sa place.

Heureusement, nombreuses, sont ces maisons de soins, se révélant une école d’humanité au sein desquelles il n’est pas question de prendre à nos aînés, mais d’apprendre d’eux cette sagesse si bien exprimée par Lao-Tseu : le dur est compagnon de la mort, le fragile est compagnon de la vie.

Bernard Devert

Février 2022

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s