Les villes deviennent gigantesques. Quarante-trois d’entre elles dans le monde d’ici à 2030 auront plus de 10 millions d’habitants. En 1950, 30% de la population mondiale vivait dans les villes ; 60% en 2030.
L’urbain doit être impérativement libéré de l’inhumain ! Aussi, une attention toute particulière doit être portée à ce que les lieux qui se construisent soient créateurs de liens.
Il y a quelques raisons d’espérer. Ne parle-t-on pas désormais de la ‘ville intelligente’. Cette formulation n’est pas spécifique aux élus, urbanistes, architectes, sociologues ou promoteurs, elle est une nouvelle donne qui suscite un fort intérêt comme en témoignent de nombreuses études et le déjà-là d’importants investissements.
Cette intelligibilité traduit une attention à la ville plus inclusive. Comment ne pas déjà observer en France le développement de programmes adaptés au vieillissement de la population afin que les aînés trouvent peu à peu leur place dans la société. Le retrait qui leur a été trop longtemps imposé s’avère insupportable et insupporté.
L’habitat intergénérationnel, connecté à des centres de ressources de soins, facilite ces nouvelles perspectives pour une citoyenneté qui n’a pas à être évaluée à l’aune des âges, des cultures et des ressources. Cet impératif doit être au cœur de la construction des liens.
Or, les villes se sont trop souvent construites en différenciant les strates sociales ; le tissu social s’est déchiré, facilitant les frontières qui protègent les économies parallèles, assassines de l’avenir.
La ville pour être hospitalière se doit de créer des lieux où on parle et où on se parle. N’est-ce pas l’agora qui fort heureusement rejaillit.
Ainsi, se développent ces tiers-lieux que l’on nomme au sein d’Habitat et Humanisme les escales solidaires ; il s’agit d’espaces ouverts qui n’accueillent pas seulement les plus démunis mais ceux qui souffrent de l’isolement, ce cancer social avancé que vivent trop de nos concitoyens. Etre connecté, c’est bien, mais l’être par rapport à la vie, c’est mieux !
L’apprivoisement est la clé des escales solidaires qui facilitent un envol vers un mieux-être. Souvenons-nous du Petit Prince qui fit escale sur la 5ème planète, infiniment petite. Eclairée par l’allumeur de réverbère, elle offre l’infini, pour savoir regarder avec le cœur ; les liens ne lui sont jamais étrangers
C’est la qualité des liens qui crée la fraternité et rend possible le vivre-ensemble. Certes, les règles d’urbanisme, telle la loi Solidarité Renouvellement Urbains (SRU) sont importantes ; ce ne sont pas seulement la loi et les décrets qui nous changent, mais cette détermination à co-construire un monde plus humain. Le rêve est nécessaire ; il doit se traduire par l’apprentissage des relations qu’offre le faire-ensemble. Impossible de ne pas prendre conscience des iniquités et de rechercher comment les atténuer.
La création du lien social se tisse par la mixité sociale. Je pense à cette maman qui pour habiter un logement dans un quartier équilibré d’une grande métropole après avoir vécu longtemps dans un quartier difficile, exprime sa joie, consciente que ses enfants bénéficient désormais d’une plus grande égalité des chances. La mixité en est un puissant vecteur.
Les liens construisent la solidarité. Aussi, convient-il d’être attentif au fait que la middle class éprouve un malaise pour observer qu’elle ne bénéficie d’aucun soutien dans le cadre d’un marché qui l’exclut attendu le coût du foncier dans les Métropoles. Quelle erreur d’oublier son engagement et sa compréhension à l’égard des plus fragiles.
Le lien est toujours un soin, plus encore un prendre-soin dont les politiques de l’habitat ne doivent pas s’affranchir.
Bernard Devert
Janvier 2023